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CHRONIQUES
22 décembre 2024

Disparition d'une légende de la baguette

Carlos Kleiber, lors du Concert du Nouvel An 1989.

Le 13 juillet dernier, le monde musical a perdu celui qui était sans doute le plus génial chef d'orchestre encore en activité, l'inclassable Carlos Kleiber. Depuis sa dernière apparition au pupitre en 1999 à Cagliari, les plus grandes institutions n'avaient pas réussi à le convaincre de reprendre la baguette. Pas même Salzbourg pour le Chevalier à la Rose de cet été...
 

Le 26/07/2004
Yannick MILLON
 



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  • Il était l'un des artistes les plus demandés de la planète, de ceux pour lesquels les institutions musicales les plus fortunées se battent bec et ongles et à coups de millions.

    Le chef d'orchestre autrichien Carlos Kleiber est mort le 13 juillet dernier à l'âge de 74 ans, des suites d'une longue maladie, et a été inhumé quatre jours plus tard dans la plus stricte intimité à Konjsica, en Slovénie. Né le 3 juillet 1930 à Berlin, Carlos Kleiber était le fils d'Erich Kleiber, l'un des plus importants maîtres de la baguette de la première moitié du XXe siècle. Tout enfant, il avait fui avec son père en Argentine devant la montée du nazisme. Nommé citoyen d'honneur de son pays d'adoption, il redevint citoyen autrichien en 1980. Kleiber était de ces artistes inclassables qui se produisent très rarement, quand leurs finances sont au plus bas. « Je ne dirige que quand j'ai faim Â», se plaisait-il à déclarer à la sortie de ses concerts. Fuyant la presse comme la peste, il ne donnait aucune interview, et était idôlatré par les mélomanes et les musiciens.

    © AP

    Artiste excentrique, Kleiber souffrait de l'ombre immense de son défunt père, et craignait plus que tout la comparaison avec ce dernier. Ainsi, pourtant féru de musique viennoise, il s'est toute sa vie refusé à enregistrer la Valse de l'Empereur de Strauss – qu'il a soigneusement évitée lors de ses deux apparitions aux Concerts du Nouvel An 1989 et 1992 – de peur de ne pas faire aussi bien que son père. Dans sa quête de la perfection, il exigeait toujours des clauses particulières à ses contrats, pour pouvoir annuler même à la dernière minute un concert ou un enregistrement. Faisant salle archi-comble à chacune de ses rarissimes apparitions, il avait les organisateurs de concerts à ses genoux et obtenait à coup sûr les cachets faramineux qu'il demandait.

    Munich ou Vienne sont parmi les dernières maisons qui ont pu l'avoir au pupitre. On le vit toutefois à Bayreuth pour Tristan entre 1974 et 1976, et quelquefois à la Scala ou à Covent Garden. Ioan Holender, actuel directeur de l'Opéra de Vienne, rêvait de le faire revenir au Staatsoper.

    De même, lors de l'annonce du programme du festival de Salzbourg 2004 en septembre dernier, le nom du chef appelé à diriger le Chevalier à la Rose cet été n'avait pas été dévoilé, et une folle rumeur circulait selon laquelle la direction Salzbourg aurait été encore en pourparlers pour organiser le retour du génial chef d'orchestre au pupitre. Quelle déception pour les mélomanes lorsque le festival, pas plus chanceux que l'Opéra de Vienne, annonça en novembre contre toutes les espérances les noms de Bychkov et Schneider ! Quoi qu'il en soit, celui qui sans jamais avoir annoncé officiellement sa retraite n'était pas remonté sur le podium depuis cinq ans s'en est allé aussi discrètement qu'il avait vécu, quinze ans tout juste après son mentor Herbert von Karajan.

    C'est sans doute le plus grand chef en activité qui disparaît, laissant derrière lui quelques rarissimes enregistrements qui sont autant de références incontournables, reflets de son intuition absolument géniale et d'une science de la motricité orchestrale à nulle autre pareille.



    Pour plus d'informations sur Carlos Kleiber, cliquez ici.




    Le 26/07/2004
    Yannick MILLON



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