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CHRONIQUES
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22 novembre 2024
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Si Toscanni fut le premier à percevoir les possibilités de cette artiste d'exception, c'est le concours de Genève qui révéla vraiment la jeune cantatrice américaine au monde lyrique en 1951. Elle devait faire carrière sur toutes les plus grandes scènes du monde, du Met de New York à Vienne, de Berlin à Buenos Aires, de Barcelone à Milan, de Rome à Venise.
Timbre d'une pureté unique, voix légère mais solide qui lui permit même de songer à Norma en toute fin de carrière, Teresa Stich-Randall connut certaines de ses plus grandes heures de gloire au Festival d'Aix-en-Provence dans les rôles mozartiens que l'irremplaçable Gabriel Dussurget lui confia. On dit souvent qu'il faudrait deux sopranos différentes pour chanter Donna Anna : une à voix dramatique pour Or sai chi l'onore, une autre à voix plus légère pour Non mi dir. Bien rares en effet sont celles qui ne peinent pas dans l'un ou l'autre de ces deux airs redoutables. À part Joan Sutherland, Teresa Stich-Randall fut sans doute la seule à cette époque à ne démériter ni dans la vaillance ni dans les vocalises.
Ses Donna Anna d'Aix-en-Provence sont inoubliables, et, tout comme ses Fiordiligi en compagnie de la Dorabella de Teresa Berganza, justifiaient que l'on vienne à Aix du monde entier. Face aux grandes équipes viennoises et salzbourgeoises menées par Elisabeth Schwarzkopf, Lisa Della Casa, Irmgard Seefried et quelques autres comme Elisabeth Grümmer, les équipes aixoises menées par les deux Teresa étaient l'autre grand pôle d'attraction mondial des mozartiens fervents.
Comédienne accomplie, avec cette décontraction que seules possèdent les stars américaines – on la rencontrait le matin au Monoprix d'Aix faisant en fichu ses courses avec son petit chien avant d'aller en répétition – elle fut aussi une admirable Comtesse, belle, élégante, émouvante. Mais Mozart ne fut pas son seul champ d'action au plus haut niveau. Le disque garde encore le souvenir de son immortelle Sophie du Chevalier à la rose aux côté de Schwarzkopf et Ludwig, car elle fut aussi une grande straussienne et une remarquable Marie dans Wozzeck.
Kammersängerin de l'Opéra de Vienne dès 1962, elle restera pourtant pour le public français et pour une grande partie des amateurs d'opéra de l'époque l'image emblématique de l'âge d'or du festival d'Aix, quand le Théâtre de l'Archevêché était encore en bois, quand les seuls lieux de rencontre possibles après les spectacles étaient les Deux garçons en haut du Cours Mirabeau et la Rotonde en bas, avant l'invasion des fast food et des multiples terrasses à touristes encombrant les ruelles.
On y découvrait chaque année les jeunes chanteurs dénichés par Dussurget, qui devenaient les stars du lendemain. Autres temps, autres plaisirs. C'étaient ceux du milieu du XXe siècle, époque où personne n'aurait imaginé voir un jour à l'affiche du festival une fracassante Tétralogie avec le Philharmonique de Berlin ! La voix de « Stich », comme nous l'appelions, restera pour tous ceux qui vécurent ces heures magiques, le symbole d'une certaine manière de concevoir la musique et l'idée même de festival.
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