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CHRONIQUES
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23 novembre 2024
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Il y avait presque autant de caméras, de photographes et de journalistes à la Rotonde du glacier du Palais Garnier pour cette conférence de presse que s’il s’était agi de la Reine d’Angleterre. Dommage que tout ce beau monde ne s’intéresse à la danse que lorsqu’il flaire une odeur de scandale ! À cet égard, il en fut pour ses frais. Avec beaucoup de clarté et de conviction, Stéphane Lissner a expliqué que cette annonce n’était que l’aboutissement d’un processus commencé voici plusieurs semaines, et peut-être même plusieurs mois, Benjamin Millepied ayant pris conscience que la tâche de directeur de la première compagnie de danse au monde ne pouvait lui laisser ni le temps ni la liberté d’esprit nécessaires à sa vocation de créateur, c’est-à -dire de chorégraphe.
En acceptant le poste, sans doute avait-il mal évalué la difficulté représentée par la gestion d’une compagnie vieille de trois cent-cinquante ans, lourde de traditions, et en charge non seulement de créations mais de la maintenance de tout un répertoire traditionnel. Cent-cinquante-quatre danseurs réputés comme les meilleurs du monde avec tous ceux qui les entourent à tous les niveaux pour assurer la réputation maison et le bon déroulement des spectacles, lourd lourd pour quelqu’un qui n’est pas issu du sérail et a fait ses classes sur un autre continent sans avoir jamais eu pareilles responsabilités.
Reconnaissons-lui l’honnêteté de l’avoir compris à temps et de ne pas en outre laisser derrière lui un bilan négatif. Quelques belles créations comme son Daphnis et Chloé, des améliorations indispensables dans les horaires de travail, dans les locaux, dans certaines mesures concernant la santé des danseurs également et quelques jeunes de valeur mis en première ligne. Mais trop de propos imprudents, aussi, laissant croire qu’il se prenait pour le grand rénovateur d’une institution trop vieillotte et qui n’attendait que lui pour vivre une renaissance brillante. Mal vécu par beaucoup, dans le public et dans la compagnie. Péché de jeunesse, sans doute, qui finissait hélas par gâter un peu le climat d’ensemble.
Il a préféré partir, c’est courageux. La grande ballerine Aurélie Dupont le remplace. Il l’avait choisie comme Maître de ballet. Stéphane Lissner a donc expliqué assurer ainsi une continuité dans le travail entrepris par Millepied. Dont acte. Aurélie Dupont est une enfant de l’Opéra, où elle travaille depuis trente-deux ans. Elle a pris sa retraite d’Étoile au printemps dernier après une carrière brillantissime. C’est une ballerine d’exception, qui a, sur Millepied, l’avantage de connaître parfaitement tous les rouages du théâtre et tout le monde, des contrôleurs aux artisans si exceptionnels aux aussi qui travaillent dans les différents ateliers.
Elle connaît tous les pièges à tous les niveaux et on la sait intelligente, volontaire, dotée d’un caractère fort. Elle a d’ailleurs affirmé sa volonté de renforcer la programmation purement classique de la compagnie qu’elle juge trop timide ces dernières saisons. À bon entendeur… Benjamin Millepied assurera le 10 février la présentation de la saison 2016-2017 qu’il a réalisée avec Stéphane Lissner, mais Aurélie Dupont qui entre en fonction en septembre, a neuf mois devant elle pour construire celle de 2018 car tout doit être décidé en novembre pour être publié en début d’année. Elle connaît comme personne le répertoire classique et les chorégraphes contemporains. La tâche est difficile mais elle en a sûrement le potentiel et bénéficie sans aucun doute du respect des danseurs de la compagnie. À la question posée de savoir si elle avait l’intention de chorégraphier, elle répondit avec humour qu’il n’y avait aucun danger, car elle en était totalement incapable.
Loin des scandales people genre hollywoodien et des rumeurs diverses, c’est donc un projet totalement axé sur le travail de la compagnie qui a émergé de cette conférence de presse, sans parvenir tout à fait à masquer son côté quand même assez précipité. On avait beaucoup regretté lors de la nomination de Millepied qu’il n’ait pas été quelqu’un de la maison. C’est un reproche que l’on ne pourra pas, en tout cas, faire à Aurélie Dupont.
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