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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Marc'Antonio e Cleopatra de Hasse au Théâtre des Champs-Élysées par René Jacobs avec le Concerto Koln.

Un feu d'artifice mouillé
© Eric Sebbag

Presque oublié aujourd'hui, Johann Adolf Hasse était le compositeur le plus apprécié dans l'Allemagne du vieux Bach. René Jacobs vient d'en ressusciter le Marc'Antonio e Cleopatra, écrit pour deux champions de la virtuosité vocale, le castrat Farinelli et la contralto Vittoria Tesi. Un véritable défi vocal.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 06/04/2001
Yutha TEP
 



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  • Hasse occupe une place centrale de l'opéra seria, grâce à une oeuvre invraisemblablement prolifique qui lui procura une gloire exceptionnelle à la tête de l'opéra de Dresde. Bien qu'admirateur et un temps ami de Bach, c'est plutôt d'Haendel que l'on doit le rapprocher, le vieux Cantor ayant déclaré n'avoir entendu à Dresde que "de jolies chansonnettes".

    Créé avant la période dresdoise (en 1725), la sérénade Marc'Antonio e Cleopatra, qui narre le retour de Marc-Antoine en Egypte après le désastre d'Actium, réunit précisément Farinelli dans le rôle de Cleopatra et Vittoria Tesi dans celui de Marc'Antonio, inversion des sexes dont l'opéra baroque était friand.

    Si le livret ne possède aucun ressort dramatique, il sert parfaitement un déploiement luxurieux de pyrotechnie vocale. Les enjeux sont donc simples, et en même temps insolubles. Cette musique est en effet taillée sur mesure pour des personnalités qui appartiennent à l'histoire de la virtuosité vocale et dotées de talents que notre époque ne peut qu'imaginer.

    Comment donc trouver deux interprètes capables d'assumer des partitions ébouriffantes, aux lignes vocales très irrégulières jusque dans les moments de haute vélocité, et nécessitant de surcroît une maîtrise achevée des techniques de chant baroque, en particulier un art de l'ornementation sans faille ?

    René Jacobs connaît son opera seria, et, souvent irréprochables, ses choix méritent une attention particulière. Pour le concert du Théâtre des Champs-Élysées, il a fait appel à deux chanteuses canadiennes.

    Que dire d'Isabel Bayrakdarian ? Artiste sans doute honorable mais désarmée face aux airs destinés à Farinelli, elle suffit à peine à donner une idée de ce que pouvait être l'art du castrat. Le tempérament n'est pas en doute, ni un timbre assez lumineux. Mais l'auditeur reste perplexe face aux approximations du récitatif, à des vocalises soudainement ouvertes et qui produisent des effets de "miaulements" pénibles, ainsi qu'à des aigus souvent criés.


    Si elle jouit d'une carrière ascendante grâce à une silhouette avantageuse qui lui permet les rôles de primo uomo, sa compatriote Vivica Genaux n'est pas plus à son aise. Le timbre est voilé et sans réel apprêt, la vocalisation certes agile trop mécanique et parfois imprécise. Sans doute poussées par maître Jacobs, les deux artistes ont consenti un effort louable dans l'ornementation, et il est suffisamment rare, par exemple, d'entendre des trilles pour que l'on ne s'en réjouisse pas.

    Mais le trille de la soprano se fond très vite dans un vibrato serré et celui de la contralto n'est techniquement pas encore maîtrisé. De ce fait, René Jacobs eut beau s'affairer, avec en particulier une belle mise en relief des pupitres, l'énergie qu'il déploie ne peut pallier les déficiences de ses chanteuses : à quoi bon déployer dès lors, sa science de ce répertoire, donner un aperçu fidèle d'une écriture orchestrale riche et originale à plus d'un titre ? On voit mal qui, hormis les inévitables Bartoli ou Dessay, pourrait rendre justice à de si périlleux défis.

    En outre, si les difficultés rencontrées par les solistes étaient prévisibles, les imperfections du Concerto Köln ont grandement surpris. Peut-être par manque de répétition, l'ensemble, qu'on découvre généralement étourdissant de cohésion, a surpris par des attaques imprécises et une justesse pas toujours immaculée. Fort heureusement, la phalange allemande a compensé cette déception par un son large, délivrant une leçon d'enthousiasme qui a rempli sans peine une grande salle des Champs-Élysées par ailleurs loin d'être comble.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 06/04/2001
    Yutha TEP

    Marc'Antonio e Cleopatra de Hasse au Théâtre des Champs-Élysées par René Jacobs avec le Concerto Koln.
    Marc'Antonio e Cleopatra de Johann Adolf Hasse
    sérénade en deux actes sur un livret de Francesco Ricciardi
    Avec Isabel Bayrakdarian, soprano (Cleopatra) & Vivica Genaux, contralto (Marc'Antonio)
    Concerto Köln
    René Jacobs, direction

     


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