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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création française de Die tote Stadt à l'Opéra du Rhin.
Morte, mais divinement ressuscitée
Chef-d'oeuvre du compositeur prodige Erich Korngold, Die tote Stadt (La Ville morte) est une des grandes partitions du XXe siècle, curieusement absente du répertoire. C'est encore une fois à un opéra de région - l'Opéra du Rhin- que l'on doit l'heureuse initiative de réparer cet oubli majeur.
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"Nous sommes comme Bruges, nous adorons ce qu'il y a de plus beau : le passé !", dit un des personnages du roman de Georges Rodenbach, Bruges-la-morte. Bruges, la ville reliquaire, saturée d'histoire, où un homme, Paul, s'est réfugié pour entretenir le souvenir de Maria, l'épouse morte, éperdument aimée, et lui vouer un véritable culte.
Mais quand apparaît Marietta, une jeune danseuse d'une troupe itinérante, l'obsession devient hallucination. Dans l'esprit malade de Paul, Marietta sera l'épouse retrouvée, réincarnée, la femme idéale dans une cité imaginaire. Il la possédera, mais quand elle refusera d'entrer dans ses délires, il la rejettera, pour enfin lui donner la mort.
Avec cette partition, on découvre une musique rutilante, emportée par un orchestre d'une extraordinaire puissance et une effusion lyrique permanente dans le traitement des voix. La musique d'un visionnaire et d'un maître de l'illusion scénique, qui a tout assimilé de la complexité des courants musicaux de la Vienne de la fin du siècle, qui ne renie en rien Mahler, Strauss ou Zemlinski, flirte du côté de Puccini, et le fait avec une maîtrise stupéfiante du matériau sonore.
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Si La Ville morte apparaît bien aujourd'hui comme le dernier opéra romantique poussé dans ses ultimes conséquences, alors, il suffit à une légitime réhabilitation de son compositeur. La production de l'Opéra du Rhin s'inscrit dans ce précipité d'émotions entre symbolisme et réalisme exacerbé.
La jeune russe Inga Levant, dont c'est la première mise en scène en France, donne au conte fantastique de Rodenbach toute son étrangeté et son flamboiement, en le déplaçant dans les ruines de la Vienne de l'entre-deux guerres, où s'accumulent les signes de la nostalgie de ce qui a été et qui n'est plus.
Des images surgissent, à couper le souffle, où se superposent les pulsions mortifères de Paul, et l'irruption de la vie follement revendiquée par Marietta au risque de se perdre, faisant écho au désir insensé de toute une génération de créateurs qui, en ces années-là , rêvaient d'abolir le passé et d'inventer un monde nouveau où ils pourraient tenter de survivre.
La voix de Torsten Kerl répond d'un bout à l'autre, avec une tenue impeccable, aux difficultés redoutables du rôle. Celle d'Angela Denoke est bien la voix de Marietta : élégante, envoûtante et fatale. Une mention spéciale pour Stephan Genz (Fritz), excellent dans la célèbre Chanson de Pierrot au second acte. Un grand coup de chapeau à Jan Latham-Koenig, au Philharmonique de Strasbourg et aux choeurs de l'Opéra du Rhin, qui sortent vainqueurs de ces grands vents déferlants.
Lire Ă©galement l'avis moins favorable de Michel Parouty
Lire aussi la revue de presse
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 12/04/2001 Françoise MALETTRA |
| Création française de Die tote Stadt à l'Opéra du Rhin. | Die tote Stadt (La Ville morte)
Opéra en trois actes de Erich Wolfgang Korngold, d'après le roman de Georges Rodenbach " Bruges-la-morte "(l892), crée simultanément à Cologne et à Hambourg, le 4 décembre 192O.
Création scénique en France, à L'Opéra du Rhin, le 12 avril 2001l.
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Choeurs de l'Opéra du Rhin
Direction musicale : Jan Latham-Koenig
Mise en scène : Inga Levant
Avec Torsten Kerk/Norbert Scnmittberg (Paul), Angela Denoke (Marietta), Yuri Batukov (Frank), Birgitta Svenden (Brigitta) et Stephan Genz (Fritz).
Pour ceux qui n'ont pas la possibilité d'aller voir et entendre Die tote Stadt à l'Opéra du Rhin (24,22 et 28 avril) ou à La Filature de Mulhouse (4 et 6 mai), séance de rattrapage à Paris au Théâtre du Châtelet les 14,17 et 21 mai prochains. | |
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