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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Intégrale de la musique pour clavecin de François Couperin.

François Couperin
attisé d'un Rameau

© MusĂ©e de la Musique Albert Giordan

Le Ruckers-Taskin, l'un des clavecins vedette du cycle Couperin de la Cité de la Musique.

Pour célébrer François Couperin, la Cité de la Musique invitait ce mois-ci une douzaine de clavecinistes à jouer l'intégrale de ses ordres sur les clavecins historiques du musée. Une occasion de découvrir l'intimité d'Aline Zylberajch, Noëlle Spieth, Céline Frisch et Béatrice Martin avec ce répertoire.
 

Cité de la Musique, Paris
Le 20/05/2001
Eric SEBBAG
 



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  • Sous une apparente et relative simplicitĂ© digitale, les 27 ordres pour clavecin de François Couperin dissimulent une difficultĂ© supĂ©rieure qui est, pour ainsi dire, d'ordre psychologique. En effet, les portraits en musique y occupent une place centrale et Couperin indique lui-mĂŞme qu'on les a " trouvĂ© quelques fois assez ressemblant sous mes doigts ".

    Si la tradition était héritée des luthistes, Couperin s'est écarté des sujets généralistes ou mythologiques pour tirer le portrait de ses contemporains (on réservait jusque-là l'exercice aux défunts avec les Tombeaux). D'où la difficulté qu'il y a aujourd'hui s'il s'agit de peindre le caractère de sujets que l'on n'a pas connu


    Mais si on ne connaît pas les personnages, on retient volontiers la manière du peintre. Couperin a gardé des luthistes (dont il imite souvent le style brisé) comme du claveciniste Chambonnières un goût pour l'intimité, la subtilité et la délicatesse qui le distingue de ses pairs.

    Lorsqu'il publie son premier livre pour clavecin en 1713, Rameau avait déjà livré le sien en 1706 et il va imposer, toujours devant Couperin et dès 1724, un style virtuose qui ne doit rien à l'Italie et où la main semble s'affranchir des contraintes de la gravitation (la Villageoise, les Niais de Sologne, les Cyclopes).

    C'est donc en réaction aux démonstrations des pyrotechniciens du clavier que le fameux mot de Couperin, " Je préfère ce qui me touche à ce qui me surprend ", doit être éclairé. Et Couperin est à cet égard le rival angélique de Rameau comme Marais et Forqueray sont respectivement l'Ange et le Diable chez les violistes.


    Pourtant, et avec des moyens très différents, Aline Zylberajch, Noëlle Spieth, Céline Frisch comme Béatrice Martin ont diabolisé Couperin dans la forge de Rameau ; d'abord avec des tempi généralement trop pressés qui laisseraient bien des chanteurs à bout de souffle (la musique vocale est pourtant un modèle qui souffre peu d'exception chez Couperin).

    Si Aline Zylberajch possède un joli toucher et sait se délivrer d'une métrique trop rigide, son Couperin est souvent pris d'accès de frénésie et d'une envie d'appuyer des pas de danse. Mais avec des chausses aux lacets dénoués, elle s'emmêle parfois les pinceaux et oublie la peinture psychologique.

    Aux huiles, aquarelles, pastels et lavis, Noëlle Spieth préfère l'architecture et la géométrie. On dirait son Couperin volontiers d'extraction germanique. Inventif mais non sans raideurs ni longues phrases sans contours ; presque toujours à 180° de toute idée d'intimité.

    De son côté, Béatrice Martin en pince manifestement pour la danse. Trois pas en avant, deux de côté, son Couperin est souvent giratoire et flanqué d'une humeur invariablement terrienne et prosaïque, laquelle aurait probablement détonné dans un salon Grand Siècle.

    À l'opposé, la noblesse naturelle du toucher de Céline Frisch la distingue immédiatement de ses consoeurs. Un équilibre, un soutien des sons, des pleins et déliés qui rappellent décidément beaucoup Leonhardt. Si son Couperin s'égare aussi dans les fastes de Rameau, il faut retenir quelques moments de grâces avec en particulier sa pièce fétiche La Garnier et les Idées Heureuses.

    Reste qu'un Couperin délivré de Rameau (1) est possible. Il suffit d'écouter les enregistrements de Jordi Savall dans le même Couperin ou Marais et ceux d'Hopkinson Smith dans Gallot, Gautier ou de Visée pour se le figurer. De silences en points d'orgues, sans esbroufe, le plus souvent sur le ton de la confidence, du propos réservé, précieux, intime, ils ont prouvé que la psychologie était une discipline qui ne trouvait meilleure expression qu'avec le concours des Muses.

    (1) Sans mépris, aucun, pour Rameau, sans doute le compositeur le plus passionnant du XVIIIe siècle français.




    Cité de la Musique, Paris
    Le 20/05/2001
    Eric SEBBAG

    Intégrale de la musique pour clavecin de François Couperin.
    Intégrale des 27 ordres de François Couperin

    12e, 19e et 20e ordres
    Aline Zylberajch, clavecins Ruckers-Taskin 1646-1780 et Hemsch 1761

    11e, 13e et 21e ordres
    Noëlle Spieth, clavecins Ruckers-Taskin 1646-1780 et copie Tibaut 1691 par Emile Jobin 1994

    2e ordre
    CĂ©line Frisch, clavecin Hemsch 1761

    5e et 17e ordres
    BĂ©atrice Martin, clavecins Blanchet et Hemsch 1761


     


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