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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Eliahu Inbal.
L'amour toujours
On a beaucoup célébré l'amour le 25 mai dernier au Châtelet : amour éperdument romantique avec Le Lac de Patrick Burgan, amour fatal et flamboyant avec la Turangalila-Symphonie d'Olivier Messiaen. Pour mettre en scène ces idylles, l'Orchestre Philharmonique de Radio France s'en laissait conter par la baguette enflammée d'Eliahu Inbal.
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À quarante ans, Patrick Burgan a un parcours qui impressionne : agrégé de musicologie, lauréat de l'Institut (plusieurs fois), couvert de prix et de distinctions, et un catalogue où l'on relève son opéra La Source des images, ou Narcisse exaucé. Et soudain Le Lac. Souvenirs
souvenirs d'une classe de seconde où l'on n'échappait pas au passage obligé du poème de Lamartine : " apprenez par coeur et commentez ! "
J'ai compris vendredi soir, au concert, pourquoi j'avais toujours trouvé l'entreprise assez vaine, et pourquoi la musique pouvait répondre à la lointaine injonction du professeur. Sans doute celle de Patrick Burgan y est pour quelque chose, dans la mesure où elle creuse jusqu'à l'extrême limite, et cristallise les sentiments de douleur, de nostalgie et de regrets.
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Tout commence par un long solo de violoncelle, plaintif et tourmenté, et la soprano chante, récite, crie, chuchote le poème, fragilisée et en même temps théâtralisé par la véhémence de l'orchestre qui semble fouiller les profondeurs de l'eau (ou de l'âme), pour resurgir de toutes ses cordes et mettre à nu le texte (" Rendez-nous ces extases sublimes "), avant de résoudre enfin à l'accalmie du dernier message (" Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire, tout dit : ils ont aimé !).
Si la partition du Lac ne révolutionne pas le langage musical, elle tient en haleine d'un bout à l'autre. Et puis Patrick Burgan devra beaucoup à l'adorable Maryline Fallot (qui remplaçait au pied levé Véronique Gens), dont le timbre éclatant et la musicalité resteront attachés pour longtemps à la création de l'oeuvre.
Entracte plus que nécessaire pour aborder la Turangalila-Symphonie d'Olivier Messiaen. En sanscrit " Turanga ", c'est le temps qui court, et " Lila " le jeu, le jeu de la création, de la destruction et de la reconstruction. Et c'est bien l'hymne à la joie des temps modernes, " une joie – c'est Messiaen qui parle – surhumaine, aveuglante, démesurée, telle que peut la concevoir celui qui ne l'a qu'entrevue au milieu du malheur ".
Pour donner à cette partition monumentale toute son incandescence, Eliahu Inbal, grand déchiffreur de signes, s'est montré une fois de plus cet orfèvre qui analyse la substance même des sons et surtout leurs pouvoirs. Son orchestre scintille et danse avec une élégance jubilatoire. Il s'installe avec une précision imparable dans le jeu subtil de la mise en abîme des courtes cellules rythmiques qui se reflètent l'une dans l'autre indéfiniment, se composent et se décomposent en éclats de couleurs et de lumière, excitées par le piano péremptoire et les sonorités suraigües des Ondes Martenot.
Il y a tellement de musique dans ce long chant qui transcende et supprime tout hors lui, qu'y résister serait un péché. En définitif, une version juste un peu plus savante de l'Hymne à l'amour que chacun sait fredonner.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 25/05/2001 Françoise MALETTRA |
| Concert de l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Eliahu Inbal. | Cycle " La voix et l'orchestre ")
Création mondiale de Le lac de Patrick Burgan (né en 1960), pour soprano et orchestre, d'après un poème d'Alphonse de Lamartine, extrait des " Premières Méditations poétiques ".
Turangalila symphonie d'Olivier Messiaen pour piano solo, ondes Martenot et grand orchestre (1948)
Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction : Eliahu Inbal
Maryline Fallot, soprano
Florent Boffard, piano
Valérie Hartmann-Claverie, ondes Martenot
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