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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Concert de l'ensemble Intercontemporain dirigé par Jonathan Nott à la Cité de la Musique.

Un Lohengrin complètement halluciné
© Philippe Gontier

Mardi 22 mai dernier, la Cité de la Musique recevait Jonathan Nott et l'ensemble Intercontemporain. Y était invitée également, pour l'étrange Lohengrin de Salvatore Sciarrino, la soprano et actrice Marianne Pousseur, qui a finalement volé la vedette à l'ensemble des protagonistes, donnant au très sérieux Part d'Hanspeter Kyburz des allures d'objet décoratifs.
 

Cité de la Musique, Paris
Le 22/05/2001
Mathias HEIZMANN
 



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  • Part du compositeur Hanspeter Kyburz est une oeuvre complexe dont la construction dramatique s'inspire du roman d'Hermann Broch, La mort de Virgile. Ses épisodes sont assez différenciés pour retenir l'attention et révèlent des moments de grâce.
    D'où vient alors qu'on ne conserve de cette musique qu'un souvenir flou ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que l'oeuvre, dans sa complexité, laisse peu de place à l'auditeur, comme si elle trouvait plus de force en tant que projet artistique (la mise en abîme du texte de Broch) et excitait surtout à la faculté d'analyse de l'auditeur.
    Lohengrin se pose au contraire comme une tragédie moderne, traitant à la fois de l'identité et de la nature profonde de l'hystérie féminine, cette rébellion du corps face au diktat imposé au désir des femmes par une société d'hommes.
    Que nous montre-t-on ? Une femme poussée sur un fauteuil d'hôpital par un homme, dont le costume strict et la barbe impeccablement taillée évoquent le début du siècle. De cette manière, si la légende d'Elsa de Braban – dont Lohengrin s'inspire – remonte à des temps plus anciens, on imagine sans peine cette femme en consultation chez Freud lui-même.
    Le sujet lui-même renvoie aux origines de l'hystérie : il ne s'agit littéralement de la révolte d'une jeune fille contrainte au mariage et qui soutient publiquement rencontrer en hallucination un homme (Lohengrin) qui vient à son secours. Salvatore Sciarrino ne retient de la légende que la crise hallucinatoire alors qu'Elsa, livrée au dédoublement, incarne également Lohengrin.


    Une mise en scène de la folie ordinaire

    Tout cela aurait pu faire de ce Lohengrin une succession de clichés si l'auteur n'avait véritablement mis en scène ces manifestations et construit une dramaturgie sonore autour de la parole. La musique, bien qu'elle n'occupe en terme d'espace qu'une place infime par rapport à la voix, devient un élément fondamental qui souligne constamment le glissement du personnage vers un état qu'on suppose extraordinairement archaïque, caractérisé par un repli sur soi (c'est très exactement position d'Elsa au début du spectacle) et l'incapacité de se différencier du reste du monde.
    Là encore, cet état est exploité à des fins dramatiques : Elsa finit par occuper tout l'espace, à la fois par le volume et les modulations sonores qu'elle génère (des mots aux effets de glotte amplifiés), mais surtout par son dédoublement de personnalité qui lui permettra d'être à la fois ici et ailleurs, successivement Elsa et Lohengrin.
    Le malaise extrême dans lequel l'oeuvre plonge l'auditoire réside évidemment dans la mise en abîme de cette folie ordinaire, que chacun sent confusément comme une ombre aux aguets. Mais elle fonctionne aussi sur un sens aigu de la dramaturgie : de ce point de vue, Lohengrin accumule les tensions et parvient à faire d'une simple hallucination une véritable tragédie.
    Pour réaliser ce tour de force, il fallait évidemment une actrice hors pair, capable à la fois de porter un texte et de faire comprendre que les mots, au-delà de leur sens, servent à revendiquer sa propre existence. De ce point de vue, Marianne Pousseur se montre plus actrice que chanteuse, même si l'oeuvre exige, à l'évidence, une solide maîtrise du métier. Sa prestation, à elle seule, suffit à faire de cette soirée un événement inoubliable.




    Cité de la Musique, Paris
    Le 22/05/2001
    Mathias HEIZMANN

    Concert de l'ensemble Intercontemporain dirigé par Jonathan Nott à la Cité de la Musique.
    Salvatore Sciarrino : Lohengrin
    Hanspeter Kyburz : Part
    Ensemble Intercontemporain dirigé par Johathan Nott

     


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