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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de La Damnation de Faust d'Hector Berlioz à l'Opéra-Bastille.
Que le diable l'emporte !
Décidément, cette année fin de saison à l'Opéra de Paris est faustienne en diable. Le Faust de Gounod vient à peine de gagner le Styx que Berlioz le rappelle pour encore mieux le damner. Mais lorsque Seiji Ozawa est convoqué pour lui paver le chemin, on a peine à ne pas se réjouir de sa descente aux enfers.
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La Damnation de Faust est presque impossible à mettre en scène. L'oeuvre n'a ni la structure d'un opéra ni vraiment celle d'un oratorio. C'est une sorte de cauchemar onirique, de rêve fou de romantique exalté prompt à chanter l'amour, la mort, le Bon Dieu, le diable, la nature, quasiment dans le désordre et sans le moindre souci d'une véritable action dramatique.
En 1964, au Palais Garnier, Maurice Béjart avait relevé le défi de façon magistrale avec une production totalement révolutionnaire pour l'époque, mi-dansée, mi-jouée. Le scandale avait été énorme. Le tohu-bohu qui a accueilli Robert lepage et son équipe canadienne au salut final a prouvé que toute solution vraiment novatrice et délirante pour traiter scéniquement la Damnation est vouée à ce type de charivari.
Le metteur en scène québécois et ses nombreux collaborateurs proposent une approche vraiment nouvelle, étonnante, démente, surprenante, poétique, de cette partition grâce à un procédé qui rappelle ce que certains chorégraphes comme José Montalvo emploient, c'est-à -dire un mélange d'images réelles et d'images virtuelles, de projections, d'acrobaties et de jeu véritable.
Tout se passe sur et devant une sorte de grand écran, tenant tout le cadre de scène très près de la rampe, écran divisé en petites alvéoles ou casiers qui se peuplent et se dépeuplent de personnages, d'images, de projections, en un jeu très subtil qui permet une évasion poétique absolue. C'est très beau à voir, absolument inattendu dans la majorité des cas, avec des procédés qui semblent parfois relever de la magie ou de la prestidigitation.
Hormis une certaine impression d'enfermement qui ne correspond pas vraiment au climat de plein air de la première partie, l'ensemble du dispositif est parfaitement adéquat pour traduire les fantasmes et le délire berlioziens et fournit d'excellentes solutions à la plupart des passages d'habitudes ratés ou escamotés comme la marche hongroise, le menuet des Follets ou la chevauchée diabolique de la fin.
Là dessus, Jennifer Larmore est une Marguerite sans grande inspiration, Giuseppe Sabbatini un Faust plausible, José van Dam un Mephisto au style magnifique, mais celui qui emporte tous les suffrages par son imagination, son style exact, et son intelligence musicale en totale osmose avec l'approche visuelle de l'oeuvre, c'est ce diable de Seiji Ozawa.
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Opéra Bastille, Paris Le 05/06/2001 Gérard MANNONI |
| Nouvelle production de La Damnation de Faust d'Hector Berlioz à l'Opéra-Bastille. | Orchestre de l'Opéra de Paris
Direction musicale : Seiji Ozawa
Mise en scène : Robert Lepage
Décors : Carl Fillion
Costumes : Karen Erskine
Lumières : Maryse Gautier
Avec Jennifer Larmore (Marguerite), Giuseppe Sabbatini (Faust), José van Dam (Méphistophélès) et Clayton Brainerd (Brander). | |
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