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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Lady Macbeth du district de Mzensk de Chostakovitch au festival de Salzbourg 2001.
Salzbourg 2001 (7) :
Gergiev n'a pas tort
En marge des tapageuses productions d'Ariane et de la Chauve-Souris, Salzbourg proposait aussi cette année une Lady Macbeth d'anthologie. À la tête du Philharmonique de Vienne et de sa troupe du théâtre Mariinski, Valery Gergiev a rappelé à point nommé que rien ne remplace un grand chef pour réussir une production d'opéra.
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Pour cette Lady Macbeth de Mzensk, la scénographie monochrome -d'un gris sinistre- apparaît, comme souvent dans les mises en scène de Peter Mussbach, abstraite et dépouillée. Seul le dernier acte se colore un peu avec un panneau de tôle ondulée aux teintes changeantes, lequel reçoit parfois des images filmées dans les moments clés du drame. Dans le même acte, l'unique élément du décor, une structure en béton munie de trappes et fenêtres située à l'avant scène, disparaît.
La lecture scénique est focalisée sur la destinée de Katerina, broyée par le monde qui l'entoure. La nudité des décors accentue l'impression de solitude de l'héroïne. Durant la scène finale, lors de sa vision d'un lac glacé, les images filmées d'une foule qui s'éloigne apparaissent sur le panneau du fond. La désolation de cette scène n'ayant comme issue que la mort est rendue de manière adroite et grandiose.
Évitant les maladresses du livret, Mussbach fait du Balourd miteux un personnage lucide, certainement pas ivre, un clown sadique, un Joker à la Tim Burton, être maléfique qui tire toutes les ficelles du drame. La scène de la découverte du cadavre n'est plus un événement fortuit car le personnage devine qu'un mort se trouve dans le cellier. Sobre et efficace, la mise en scène se révèle une grande réussite dénuée de scories.
Il est de notoriété publique que les Wiener Philharmoniker adorent Valery Gergiev avec qui ils donnent souvent des concerts mémorables. Et cette entente immédiate est perceptible dès les premières mesures. Grâce à une énergie et un sens dramatique légendaires, Gergiev est de ces rares chefs qui réussissent à mettre un orchestre en transe d'un bout à l'autre d'une représentation d'opéra.
Sa maîtrise des gradations dynamiques, son sens de la motricité orchestrale - les interludes instrumentaux furieux - et son ardeur permanente font de sa lecture un brasier incandescent (particulièrement inoubliable dans le troisième acte). De même, les choeurs, à l'adéquation stylistique évidente avec l'oeuvre, atteignent une puissance phénoménale dans les scènes dramatiques.
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Une distribution relevée
La distribution, conforme au reste de la production, est de très haut vol. Larissa Shevchenko, grande voix de tragédienne, est excellente comédienne. Pathétique dans ce monde de dégénérés, elle est le seul personnage sympathique de l'opéra. Sa scène finale marquante, débutant dans un mezza voce pétrifiant, glace les sangs.
Vladimir Vaneev campe un Boris infect, personnage haïssable dont la mort apparaît comme un soulagement. Basse typique de l'école russe, la voix est impressionnante de noirceur mais hélas vite noyée par l'orchestre.
Viktor Lutsiuk, Sergueï à la projection idéale, aux aigus musclés, laisse transparaître dès le début sa trahison future. Le Zinovi de Leonid Zachozhaev, véritable impuissant frustré, est à mi-chemin entre le ténor bouffe et le ténor lyrique grinçant.
Le Balourd miteux de Konstantin Pluzhnikov, monument de perversité vocale et scénique, est parfois couvert par un orchestre déchaîné. La scène de la découverte du cadavre, dans laquelle il fait apparaître et disparaître des chaises comme un prestidigitateur, est d'une angoisse quasiment insoutenable, imprimant chez le spectateur un sentiment de peur des plus rares à l'opéra.
Tous les seconds rôles sont excellents, du Pope aux ré graves sépulcraux, à l'Agent de police, en passant par les deux femmes : Aksinia, aux aigus éclatants, et Sonietka, contralto inquiétant et perfide.
Au final, cette production reste de loin la plus mémorable du festival 2001. Et l'accord parfait entre la scène et la musique, -devenu si extraordinaire aujourd'hui !- doit beaucoup à l'intransigeance de Gergiev. En effet, il avait annoncé d'entrée qu'il ne ferait aucun compromis avec la scène si elle lui posait le moindre problème. Or, on se souvient qu'il a déjà annulé plusieurs productions pour ce motif.
À l'instar d'un Karajan, Gergiev est de ces trop rares chefs qui réaffirment haut et fort l'importance première de la musique à l'opéra ; sans craindre de s'attirer les foudres des directeurs de théâtre. On ne saurait lui donner tort
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Großes Festspielhaus, Salzburg Le 22/08/2001 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Lady Macbeth du district de Mzensk de Chostakovitch au festival de Salzbourg 2001. | Lady Macbeth du district de Mzensk
Opéra en quatre actes et neuf tableaux de Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Livret d'Alexander Preis et Dmitri Chostakovitch.
Chanté en russe
Version originale de 1932
Choeurs du Théâtre Mariinski de St Petersbourg
Ensemble à vents de Salzbourg (musique de scène)
Orchestre Philharmonique de Vienne
Direction : Valery Gergiev
Mise en scène : Peter Mussbach
Décors : Klaus Kretschmer
Costumes : Andrea Schmidt-Futterer
Eclairages : Konrad Lindenberg
Installation vidéo : Alfred Loch / BARCO
Avec Larissa Shevchenko (Katerina), Victor Lutsiuk (Sergueï), Vladimir Vaneev (Boris), Leonid Zachozhaev (Zinovi), Konstantin Pluzhnikov (le Balourd miteux), Ludmila Kasjanenko (Aksinia), Fjodor Kuznetsov (le Pope), Ljubov Sokolova (Sonietka), Fjodor Mozhaev (le Sergent), Gennady Bezzubenkov (un vieux bagnard).
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