On sait la sagesse presque minimaliste de l'approche de Savary qui repose plus sur l'aspect décadent et ruiné du décors (évoquant un monde esthétisant mais fini) que sur la direction d'acteurs.
Les chanteurs en effet, semblent toujours livrés à eux-mêmes, ce qui n'est pas forcément un mal, sauf quand, ils ne savent rien faire d'autre que se planter face au chef. C'est le cas du jeune ténor italien Fabio Sartori qui débutait sur cette scène.
Physique à la Pavarotti rendant peu crédible son personnage de séducteur, il a certes de la voix et de la projection, à défaut d'un timbre séduisant, et surtout, sortant très rarement de la nuance forte, s'en sert avec raideur et sans aucune capacité expressive. Son Duc de Mantoue tend plus vers le petit noble rustique que le grand seigneur décadent.
Du travail en perspective avant d'approcher même de loin l'accomplissement d'un Marcelo Alvarez qui va alterner avec lui jusqu'au début novembre.
Leo Nucci, l'un des plus grands Rigoletto du moment, montre en revanche ce que l'on peut faire dans pareil contexte. La voix est toujours vaillante, servant fidèlement un art consommé dans la projection du verbe. Peu gêné, bien au contraire, par l'absence de direction d'acteur, il campe un bouffon maigrelet, sautillant, tour à tour inquiétant dans ses appels à la vengeance ou absolument pathétique dans sa fragilité de père aimant.
Parmi les nouveaux venus dans le spectacle, on remarque un Sparafuccile de luxe avec le velours sombre de Williard White, qui fut ici même déjà Mephisto dans Faust et Klingsor dans Parsifal. Habitué du rôle de Gilda à Bastille, Ruth Ann Swenson reste un modèle de beau chant et de musicalité.
Un peu courte en couleurs dans la première partie, notamment dans un Caro nome techniquement irréprochable mais sans l'innocence rêveuse qu'on pourrait y attendre, la soprano américaine emporte finalement l'adhésion par son portrait de la jeune fille outragée, toujours plus engagée à partir d'un Tutte le feste bouleversant, et jusqu'à une mort poignante. Elle alternera avec Sumi Jo.
Lui aussi plus à l'aise en deuxième partie qu'en première, le chef Daniel Oren a certes soutenu avec attention ses chanteurs, obtenant parfois de belles couleurs de son orchestre. Mais il n'a pas toujours su secouer la torpeur qui s'emparait parfois du spectacle, surtout pas pendant les scènes reposant sur le massif Duc de Mantoue, ce, même dans le fameux air La donna e mobile qui prenait ici une allure de chanson de taverne
Bref, autant pour la mise en scène défective, le plateau inégal et la direction torpide, ce Rigoletto laisse un goût de trop peu.
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