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CRITIQUES DE CONCERTS 21 novembre 2024

Création d'Impressions d'Afrique de Giorgio Battistelli à l'Opéra du Rhin dans le cadre du festival Musica.

Les mots avant les notes

Giorgio Battistelli (© Opéra du Rhin)

Cette année, l'événement du festival Musica de Strasbourg était la création d'Impressions d'Afrique du compositeur italien Giorgio Battistelli. S'appuyant sur l'ensemble de l'oeuvre de Raymond Roussel, l'oeuvre se voulait l'hommage que l'écrivain n'a jamais reçu de son vivant, lequel reste à la littérature ce que Charles Ives est à la musique.
 

Le 22/09/2001
Michel PAROUTY
 



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  • Giorgio Battistelli n'est pas un inconnu pour le public strasbourgeois qui, en 1995, avait pu applaudir la création française de son Prova d'orchestra d'après le film de Federico Fellini. Un an après sa création au Mai Musical Florentin, co-producteur du spectacle, voici donc, dans le cadre du Festival Musica, la première, dans l'Hexagone, d'Impressions d'Afrique.

    Que ceux qui penseraient avec effroi à une adaptation du livre inclassable du non moins déconcertant Raymond Roussel se rassurent : ni Georges Lavaudant, ni Daniel Loayza n'ont eu une telle idée. Ce sont d'autres textes dont ils sont partis, en particulier Comment j'ai écrit certains de mes livres, pour tenter un portrait imaginaire de l'écrivain qui fut aussi musicien.

    Drôle de personnage que Roussel, un véritable précurseur de l'Oulipo qui passa son temps à jouer avec les mots, à démonter ses ruses littéraires pour les expliquer, et fut blessé de ne jamais rencontrer un succès que la complexité de ses oeuvres lui interdisait de toute façon. En revanche, il fut très admiré des surréalistes et naturellement des oulipiens.

    Réduit au minimum, le décor de Jean-Pierre Vergier est constitué de deux murs à angle droit, d'un bleu gris froid. S'y ouvrent, parfois, des portes et des fenêtres, qui laissent passer les rêves de l'écrivain, allongé sur un pauvre lit d'hôpital, hordes de guerriers noirs avec leur chef, Talou VII, Jules Verne, une comédienne, une cantatrice.

    Les fragments de textes (Locus solus, Impressions d'Afrique, Comment j'ai écrit certains de mes livres, mais aussi un poème d'Umberto Saba et un salut à Racine) sont montés, collés. Et c'est la musique qui donne sa colonne vertébrale à ce puzzle, une musique dense, richement orchestrée, rythmée, et lyrique, que Lucas Pfaff dirige avec précision et générosité.

    Paradoxalement, dans ce drame musical, seuls les choeurs chantent, à l'exception de quelques vocalises confiées à la cantatrice. Les solistes sont presque tous des comédiens, Régis Royer en tête, qui prête à Roussel un sérieux de savant un rien déjanté et une grâce de funambule.

    Lavaudant règle avec un curieux mélange de rigueur et de jubilation la mise en scène de ce divertissement aussi léger qu'un rêve, et dans lequel les mots passent avant les notes. Un acte de modestie encore bien rare dans la création contemporaine où l'on a rarement l'impression que la musique est au service du verbe.




    Le 22/09/2001
    Michel PAROUTY

    Création d'Impressions d'Afrique de Giorgio Battistelli à l'Opéra du Rhin dans le cadre du festival Musica.
    Choeurs de l'Opéra national du Rhin
    Orchestre Symphonique de Mulhouse
    Direction musicale : Lucas Pfaff.
    Mise en scène : Georges Lavaudant.

    Avec Régis Royer (Raymond Roussel), Mila Savic (L'infirmière), Samir Guesmi (Talou VII), Manuel Le Lièvre (Rao), Mathieu Marie (Leflaive), Jean-Philippe Salério (Carmichaël), Margaret Zenou (Adinolfa, tragédienne), Julia Vera Kamenik (Adinolfa, chanteuse), Louis Beyler (Stéphane Alcott), Patrick Zimmermann (Bex).

     


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