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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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RĂ©cital Maxim Vengerov
Vengerov se frotte aux boyaux
Lorsqu'un violoniste de la trempe de Maxim Vengerov s'associe au claveciniste Trevor Pinnock pour mieux s'attaquer au répertoire baroque, il y a de quoi éveiller la curiosité. Celle-ci fut largement servie le 21 février dernier au Théâtre des Champs-Elysées à Paris.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 21/02/2000
Eric SEBBAG
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On a prêté à Vengerov les qualités de Heifetz et Kreisler réunis, rien moins que les plus grands violonistes de la première moitié du XXe siècle. Alors qu'aujourd'hui Vengerov s'aventure à jouer du violon baroque, il n'a paradoxalement jamais été plus proche d'eux. En effet, les maîtres déjà cités jouaient aussi sur des violons baroques montés avec des cordes en boyaux (si l'on excepte dans certaines circonstances la chanterelle -la corde la plus aigue- en boyau filé de métal). Quoi de plus baroque en effet que l'un de ces fameux instruments de Stradivari ou Guarneri, les plus fameux luthiers du XVIIIe siècle ? Or, si les virtuoses avant-guerre comme aujourd'hui ne jurent que par ces violons, ces derniers ont tous été considérablement transformés au XIXe siècle (manches allongés, tension des cordes augmentée, âme modifiée) si bien que tout en restant des bijous attribués à des maîtres de l'âge baroque, on ne les a jamais entendus aujourd'hui dans leur état de facture original.
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Suffit-il de rajouter des cordes en boyaux sur un violon du XVIIIe transformé au XIXe pour en faire un instrument baroque ? A priori, le bons sens s'y refuserait, pourtant les orchestres réputés "baroques" accueillent beaucoup d'instruments conformes aux exigences de la période romantique, avec pour tout passeport baroque des cordes en boyaux précisément. Pour compliquer le tout, le rôle de l'archet est déterminant et certains violonistes au répertoire polyvalent comme Fabio Biondi affirment que pour jouer baroque, l'archet d'époque est plus important que l'instrument lui-même. En ce qui concerne Vengerov ce 21 février 2000, le visa baroque consiste surtout dans l'adoption des boyaux car ni l'instrument, ni l'archet n'étaient eux conformes à la facture originale du XVIIIe. Qu'importe ? Rien, sinon que l'argumentaire de la conversion à l'instrument ancien fleure un peu le parfum du marketing. Mais l'essentiel se joue toujours entre quatre cordes et l'intelligence du style transcende a priori les instruments, aussi "authentiques" soient-ils (au sujet de cette notion d'authenticité, il est intéressant de se reporter à l'entretien avec Frans Brüggen pour AltaMusica).
L'oeuvre qui débute le concert est une sonate de Bach. D'emblée, la sonorité suave et incisive de Vengerov le place en haut du panthéon des sculpteurs sur boyau. Le clavecin de Trevor Pinnock tricote, lui, tranquillement au fond de la scène. Perdu dans un théâtre des Champs Elysées surdimensionné pour sa faible carrure, son instrument rutilant bleu de france, rouge et or laisse à peine filer un murmure. La moindre quinte de toux dans le public et c'est une mesure de Bach qui est irrémédiablement volée. Pour ce que l'on perçoit du résultat, la cohésion est irréprochable, les tempi enlevés et la diction métronomique. On retrouve ici les options habituelles de Trevor Pinnock qui a toujours été réfractaire à la rythmique accentuée inégalement.Lorsque Vengerov revient seul pour affronter l'immense Chaconne du même Bach, on perçoit vite l'immense chemin qui lui reste à accomplir. Boyau ou pas, sa lecture de cette ¦uvre qu'il joue souvent en concert est, à la sonorité près, inchangée. Son utilisation des doubles cordes montre qu'il n'a pas saisi les contraintes de l'archet baroque -car on peut même les imiter avec un archet moderne-. Par ailleurs, la manière dont il articule à l'identique les cascades de croches répétées confirme que son enquête sur le jeu baroque ne fait que commencer. À l'aune des violonistes de référence comme Heiftez, Oistrakh ou Perlmann, Vengerov a produit une chaconne somptueuse, dramatique et tourmentée. Des violonistes comme Gidon Kremer ou Thomas Zehetmair ont néanmoins prouvé que l'on pouvait porter la réflexion stylistique plus loin avec un instrument moderne. Et je ne parle pas des authentiques baroqueux comme Patrick Bistmuth ou Monica Hugget dont les lectures renouvellent réellement l'oeuvre.
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Trevor Pinnock enchaîne sur une chaconne de Haendel. On devine à sa gestuelle plus qu'à l'audition qu'il défend avec enthousiasme l'oeuvre. La confrontation avec Bach n'en est pas moins mal choisie pour Haendel. Avec la Follia de Corelli, les deux compères accueillent une violoncelliste pour enrichir la basse continue. Ici, le Trio fait mouche et Vengerov déploie une fougue et une verve qui n'est pas sans rappeler les audaces du Giardino Armonico. Il n'hésite pas à rechercher des sonorités grinçantes près du chevalet. Une lecture "méditérannéenne" de bon aloi.
Entracte. Trevor Pinnock a troqué son clavecin pour un Steinway et Vengerov a repris son "Strad". Ce n'est pas a priori une bonne idée pour jouer Mozart et les instruments précédents convenaient mieux historiquement. Mais le pire est que ces sonates sont conçues comme des pièces de clavier avec accompagnement de violon, charge donc au pianiste de soutenir l'attention dans les reprises quasi obsessionnelles du thème. Résultat : Pinnock radote et Vengerov fait de la figuration malgré un jeu de scène accompli.
Dernier acte, Beethoven. Une sonate plutôt enjouée et dansante mais qui trahit par endroit les tourments du compositeur ; une dimension sur laquelle préfèrent les interprètes passer. Ce n'est finalement que dans les multiples rappels que l'un et l'autre se libèreront un peu dans un répertoire beaucoup plus slave dans lequel on n'imaginait pas Trevor Pinnock.
Conclusion, en attendant que Maxime Vengerov approfondisse son étude du style baroque et compose des programmes de concert plus cohérents, on retournera l'entendre avec délectation dans un concerto de Mendelssohn, Bruch ou autre Chostakovitch.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 21/02/2000 Eric SEBBAG |
| Récital Maxim Vengerov | Récital Maxime Vengerov et Trevor Pinnock accompagnés de Jane Coe
Oeuvres de Bach, Haendel, Corelli, Mozart et Beethoven | |
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