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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'ensemble A Sei Voci et de la Maîtrise des Pays de Loire dirigés par Bernard Fabre-Garrus.
Une beauté désarmante
Bernard Fabre-Garrus (D.R.)
L'histoire de la musique est jalonnée de thèmes dont le succès est tel que tous les compositeurs se sentent obligés d'y ajouter leurs propres habits harmoniques. La chanson médiévale de l'Homme armé est de cette espèce. Bernard Fabre-Garrus et l'ensemble A Sei Voci viennent d'en démontrer à nouveau la richesse.
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La mélodie de la chanson l'Homme armé est un des " tubes " du répertoire sacré de la seconde moitié du XVe siècle et au XVIe siècle. Entre 1465 et 1580, on recense ainsi pas moins de trente-cinq messes ayant pour Cantus firmus (exposé mélodique en valeurs longues) cet air célèbre. Des compositeurs comme Dufay, Busnois, Ockeghem, Pierre de La Rue y ont trouvé prétexte pour déployer leur science du contrepoint.
Loin de se soustraire à ce qui était devenu une sorte de passage obligé, Josquin a laissé deux messes sur l'Homme armé, sans doute écrites pendant son activité à la chapelle papale, au cours des quinze dernières années du XVe siècle.
Ces deux messes ont d'ailleurs fait l'objet du dernier disque de l'ensemble vocal dirigé par Bernard Fabre-Garrus, lequel venait conclure une série d'enregistrements consacrés aux oeuvres religieuses de Josquin. Nul doute, donc, que le concert donné en l'église Saint-Germain-des-Prés le 27 novembre dernier fût l'aboutissement d'un travail approfondi autour du célèbre compositeur franco-flamand.
La première partie du programme était consacrée à la Missa super voces musicales, messe à ténor qui se rattache nettement à la tradition du XVe siècle, et dont la particularité tient à la migration de la mélodie de l'Homme armé sur cinq degrés successifs, de DO à LA.
L'interprétation aurait peut-être gagné en précision si la partie de ténor, qui constitue la ligne structurante de la polyphonie, avait été mieux mise en valeur. Dans certaines parties, notamment le Credo, elle était noyée dans la complexité et la densité sonore de l'oeuvre.
Malgré cette petite réserve, le choeur s'est montré particulièrement habile dans la conduite des phrases, souvent longues et mélismatiques. L'Agnus Dei final, véritable tour de force de l'écriture josquinienne, a été exécuté avec une rigueur formelle sans faille, mais jamais au détriment de l'expressivité du chant.
D'une facture tout autre mais non moins savante, la Missa sexti toni se rattache plutôt à la technique de la paraphrase. En effet, la mélodie de l'Homme armé y est traitée avec une certaine liberté, passant constamment d'une voix à l'autre au lieu d'être énoncée par la seule partie de ténor.
Le caractère plus aéré de la polyphonie aidant, l'interprétation a paru plus précise que dans la Missa super voces musicales. La tessiture de la partition, rejetée vers le grave, ainsi que les nombreux passages à deux ou trois voix d'où la partie de superius est exclue (notamment dans le Gloria et le Credo) ont particulièrement mis en valeur le timbre des voix masculines d'A Sei Voci.
Chaque messe était précédée d'un hymne aux martyrs tiré du répertoire grégorien et dirigé par Bertrand Lemaire, directeur de la Maîtrise des Pays de Loire, contribuant ainsi à replacer cette musique dans son contexte historique.
Beaucoup de musicologues s'accordent à penser que l'utilisation du thème de cette chanson guerrière avait des implications politico-idéologiques : elle appelait à la fois les succès militaires mais aussi la victoire sur les " Infidèles ". À l'écouter au XXIe siècle avec les Sei Voci, une telle beauté vocale donnerait plutôt envie de rendre les armes.
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Eglise Saint-Germain-des-Prés, Paris Le 27/11/2001 Christelle CAZAUX |
| Concert de l'ensemble A Sei Voci et de la Maîtrise des Pays de Loire dirigés par Bernard Fabre-Garrus.
| Josquin Desprez : Messe l'Homme armé super voces musicales ; Messe l'Homme armé sexti toni
Ensemble A Sei Voci
Maîtrise des Pays de Loire
Direction : Bernard Fabre-Garrus | |
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