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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production de " A Streetcar Named Desire " (Un tramway nommé Désir) à l'Opéra National du Rhin.


Sur les rails de l'Opéra
© © Alain Kaiser - OpĂ©ra national du
Rhin

© Alain Kaiser - Opéra national du Rhin

De Un tramway nommé Désir on connaissait bien sûr la pièce de Tennessee Williams, le film d'Elia Kazan, et depuis sa récente sortie en DVD, l'opéra d'André Previn. Dans cette gravure, la seule présence de Renée Fleming justifie l'entreprise. L'Opéra du Rhin a pris néanmoins le risque de monter l'oeuvre sans le secours de la belle Américaine.
 

Opéra du Rhin, Strasbourg
Le 11/12/2001
Françoise MALETTRA
 



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  • En 1945 Ă  l'issue de la crĂ©ation de La mĂ©nagerie de verre, Tennessee Williams dĂ©clarait : " dans cette pièce j'ai dit tout ce que j'avais Ă  dire de gentil sur les gens. Les choses Ă  venir seront plus dures. " Message reçu, deux ans après par le théâtre et bientĂ´t le cinĂ©ma qui dĂ©nonceront " le viol du tendre et du sensible par les forces sauvages de la sociĂ©tĂ© moderne ", et Ă©lèveront au rang de mythes, les personnages du Tramway : Blanche, Stanley, Stella et Mitch.

    Lorsque cinquante ans plus tard André Previn s'empare à son tour de ces quatre figures en perdition, pour en faire les héros de son premier opéra, il met en jeu l'image d'un musicien qui n'aura reculé devant aucune des sirènes de son temps : le jazz, la musique de film, la comédie musicale, des partitions écrites sur mesure pour quelques grands solistes, image renforcée par la réputation non négligeable d'un pianiste et chef d'orchestre reconnu de la scène internationale.

    Les défis lancés par l'entreprise Un tramway nommé Désirsont immenses : se mesurer au théâtre de Tennessee Williams, à Elia Kazan, se soumettre au librettiste Philippe Littell qui, de quatre heures devait réduire la pièce à deux heures trente, s'engager avec un nouveau souffle dans un genre difficile entre tous : le drame lyrique.

    Previn les règle à sa manière, sans renier son univers familier, ni ses passions, ni ses références : son écriture repose résolument sur un centre tonal " pour créer un sentiment d'irréalité par rapport à la musique d'aujourd'hui ", et des hommages appuyés, à Britten et Puccini, des échos de blues ou de ragtime.

    Et la musique se glisse dans la peau de ses personnages pathétiques, aliénés les uns aux autres par leurs propres fantasmes et une volonté farouche de survie, en suivant de près leurs pulsions, en les exacerbant, sans les lâcher un seul instant.

    Un découpage cinématographique

    Toute la partition est conçue selon un découpage cinématographique : gros plans, plans séquences, élargissement du champ par un orchestre omniprésent qui anticipe sur l'action, fait de la place au parlé-chanté des dialogues, et laisse l'opéra reprendre ses droits dans la plus pure tradition en " installant " les trois grands airs de Blanche, dont le déjà célèbre " I want magic ", avec violon romantique à volonté. Rien de novateur, mais une grande habileté à réaliser la cohabitation de matériaux hétérogènes, le tout fait - disons-le - pour une efficacité au premier degré.

    À Strasbourg, la mise en scène d'Anja Sündermann compose et redécompose un huis clos étouffant, traversé par des éclairs de néons aveuglants, piégeant les chanteurs dans un espace qu'ils vont transformer en un champ de bataille hallucinant, ou le viol de Blanche n'est qu'un épisode parmi les autres.

    Mais, Sündermann a commis l'erreur d'avoir fait d'elle, dès son entrée une femme névrosée, déjà au bord de la folie sans tenir compte de la progression dramatique qui construit son personnage et justifie la montée irréversible de la violence.

    Cela contraint Barbara Haveman à chanter continuellement en force et à se retrouver aux limites de l'épuisement vocal dans la scène finale là où après l'hystérie retombée, la voix doit retrouver sa pureté et sa flexibilité. Vocalement et scéniquement le baryton David Okerlund (Stanley) incarne une belle brute d'une solidité à toute épreuve.

    Korliss Uecker (Stella) a dans la voix cette " tranquillité narcotique " qu'évoquait Elia Kazan. Quant au jeune ténor Chad Shelton (Mitch) il chante et joue comme il respire et pourrait apparaître la révélation du spectacle. Patrick Summers, qui dirigeait la création à l'opéra de San Francisco en 1998, impose à l'orchestre Philharmonique de Strasbourg une tension sans relâche qui mériterait d'être plus nuancée, pour laisser aux cordes le temps de mieux s'exprimer.

    Reste la première qualité de ce Tramway nommé Désir selon André Previn : malgré sa noirceur et sa désespérance, il a toutes les chances de remettre le grand public sur les rails de l'Opéra, on va dire, " contemporain " ; ce n'est déjà pas si mal.





    Lire aussi la critique du DVD avec Renée Fleming.




    Opéra du Rhin, Strasbourg
    Le 11/12/2001
    Françoise MALETTRA

    Nouvelle production de " A Streetcar Named Desire " (Un tramway nommé Désir) à l'Opéra National du Rhin.
    Opéra en 3 actes d'André Previn
    Livret de Philip Littell d'après la pièce de Tennessee Williams
    Orchestre Philharmonique de Strasbourg.
    Direction Musicale : Patrick Summers
    Mise en scène : Anja Sündermann.
    Avec Barbara Haveman (Blanche Dubois), Korliss Uecker (Stella Kowalski), David Okerlund (Stanley Kowalsky), Chad Shelton (Mitch).

    (prochaines représentations : Strasbourg, les 15 et 17 décembre, Mulhouse les 21 et 23 décembre)

     


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