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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital londonien de la soprano russe Elena Prokina.
La nouvelle Vichnievskaïa
© Clive Barda
Elena Prokina n'est pas une inconnue au Wigmore Hall où elle a déjà présenté un récital de mélodies russes. Le public anglais a aussi fêté sa Tatiana au Festival de Glyndebourne en 1994. À Paris, on vient de l'apprécier dans la Messe Glagolitique de Janacek. Son dernier récital londonien a fait forte impression.
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Née à Odessa et éduquée à Saint-Petersbourg, la soprano russe a aussi étudié l'art dramatique au conservatoire, le genre de détail qui fait souvent la différence sur une scène. Son récital débute avec une oeuvre peu connue de Nikolai Medtner, la sonate-vocalise On pense immédiatement à la célèbre vocalise de Rachmaninov. Medtner a construit une pièce qui entrelace avec panache la voix et le piano.
Celui que l'on a appelé méchamment “ un Rachmaninov sans les mélodies ” démontre qu'il vaut beaucoup mieux que sa réputation. Prokina n'y est pas pour rien et on mesure d'entrée ses qualités vocales et son assurance au choix d'une pièce si périlleuse à mettre en place, surtout pour ouvrir un récital.
Le cycle de Prokofiev sur les poèmes d'Anna Akhmatova date de 1916. Il a été illustré par le passé par Galina Vichnievskaïa. Elena Prokina se montre une parfaite héritière de la grande soprano par son contrôle vocal et la vision dépouillée des textes de la grande poétesse russe.
Le sommet de ce récital fut, sans aucun doute, les Satires de Sasha Tchorny mises en musique par Dimitri Chostakovitch. D'abord symphoniste, Chostakovitch n'a que peu écrit pour la voix. Mais en 1960, il compose ce cycle de mélodies radicales par leur contenu, pour son amie Galina Vichnievskaïa.
La censure soviétique aveugle laissa passer cette oeuvre après l'addition du sous-titre : Images du passé, suggéré par la soprano. Quarante ans plus tard, le cycle n'a rien perdu de sa fraîcheur et de son audace. Chostakovitch a écrit spécifiquement ces mélodies pour le grand soprano dramatique qu'est Vichnievskaïa mais aussi ses qualités de comédienne.
Décidément à la hauteur de son aînée, Prokina maîtrise les exigences vocales de Chostakovitch du parlando au cri avec aisance. Elle vit chaque personnage en tragédienne. Elle est ce poète effrayé par la passion et ce logeur soudain pris par le démon de midi. Les Descendants furent trissés par le public moscovite lors de la création en 1961.
On comprend l'enthousiasme de ces Soviétiques en entendant une description si juste de leurs conditions de vie. L'allusion au garde-manger vide de toutes victuailles reste malheureusement d'actualité pour les Russes contemporains. Ce peuple n'en est que plus grand à nourrir des interprètes de la classe d'Elena Prokina.
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Wigmore Hall, London Le 29/11/2001 Christine LETEUX |
| Récital londonien de la soprano russe Elena Prokina. | Nikolai Medtner : Sonate-vocalise pour voix et piano, Op. 41 No 1
Sergei Prokofiev: Cinq Poèmes d'Anna Akhmatova, Op. 27
Igor Stravinsky: Deux mélodies Op. 6
Leonid Destyanikov : Cinq poèmes sur des textes de Fedor Tyutchev
Dimitri Chostakovitch : Satires (Images du passé)-Cinq romances sur des textes de Sacha Tchorny, Op. 109
Elena Prokina, soprano
Alexej Goribol, piano | |
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