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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre National de France dirigé par Vassili Sinaïski avec la mezzo-soprano Hildegard Behrens.
Le crépuscule d'Hildegard
Hildegard Behrens
Hildegard Behrens renoue avec ses anciennes amours wagnériennes, un répertoire qu'elle a privilégié tout au long de sa carrière, avec un héroïsme souvent récompensé. Le mois dernier, elle était l'invitée de l'Orchestre National de France dirigé par Vassili Sinaïski, mais la Sinfonietta de Korngold lui a volé la vedette.
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Découverte par Karajan, Hildegard Behrens a rapidement gagné le Walhalla des grandes voix wagnériennes. On lui doit de nombreux enregistrements de référence, en particulier son Ring sous la direction de Sawallisch, le Vaisseau Fantôme avec Dohnanyi ou la Walkyrie avec James Levine.
Après tant de triomphes, on conçoit facilement qu'il soit difficile de redescendre du paradis wagnérien. Pourtant, les plus grandes cantatrices sont aussi celles qui savent s'arrêter avant de déchoir, on pense évidemment à Elizabeth Schwarzkopf ou Ludwig. Manifestement, la grande Hildegard n'en a pas retenu les leçons.
Si aujourd'hui, son intelligence du texte comme des notes restent évidents, elle a perdu en homogénéité de timbre et d'émission. Sa projection ne donne plus l'impression de facilité d'autrefois et si cela passe encore dans la confidence des Wesendonck lieder, il en va tout autrement avec la scène finale du Crépuscule des Dieux.
Malgré des aigus encore beaux (mais à la coloration incertaine), les sons poitrinés, le crescendo non tenus, et ce grain de voix charnu qu'elle n'a plus laissent perplexes. Certes, inutile d'en rajouter car la cantatrice était annoncée grippée, mais sa prestation a été à malheureusement l'image des précédentes : inégale.
Et si cet été à Salzbourg, son talent d'actrice suffisait encore à faire la différence et à masquer ses incertitudes vocales, la scène nue du Théâtre des Champs-Élysées ne lui a pas tendu de planches secourables. Que n'a-t-elle retenu l'enseignement de ce lied des Wesedonck qu'elle a d'ailleurs magnifiquement interprété : Arrête toi !
Heureusement, l'Orchestre National de France était en forme et la luxuriance de l'écriture wagnérienne offrait un point d'ancrage souvent plus attractif pour les oreilles. En première partie de concert, la Sinfonietta de Wolfgang Korngold lui permit de donner son meilleur.
Ecrite en 1912 par un génie de 15 ans, la Sinfonietta porte déjà une science de l'orchestration pratiquement à la hauteur de Strauss ou Mahler. D'un côté, il semble que tous les pupitres sont exploités en même temps et sans répit, de l'autre, la pâte sonore n'en reste pas moins très lisible, souvent aérienne et sans jamais se départir d'une grâce presque juvénile.
L'ensemble paraît ciselé, minutieux, et même temps luxuriant et d'autant plus foisonnant que le chef russe Vassili Sinaïski accorde de l'importance aux moindres détails d'écriture : ici deux ou trois notes de harpe légères comme des confettis, là quelques éclairs de flûte ou une liane de hautbois. À l'inverse, les cuivres grondent, les contrebasses vrombissent, les violons s'irisent.
Dès la première partie, on avait déjà gagné le ciel sans le secours d'Hildegard, dommage que cette sainte wagnérienne ait ensuite préféré plonger dans le crépuscule.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 20/12/2001 Pauline Garaude |
| Concert de l'Orchestre National de France dirigé par Vassili Sinaïski avec la mezzo-soprano Hildegard Behrens. | Erich Wolfgang Korngold : Sinfonietta
Richard Wagner : Wesendonck lieder, Crépuscule des Dieux (scène finale) | |
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