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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Lucie de Lammermoor de Gaetano Donizetti à l'Opéra national de Lyon.
Lucie dans le ciel
avec des diamants
Roberto Alagna et Natalie Dessay (© Gérard Amsellem)
De Lucia di Lammermoor (Naples, 1835) à Lucie de Lammermoor (Paris, 1839), la différence n'est pas mince tant Donizetti a refondu - plutôt qu'adapté - sa partition pour le public français. C'est cette seconde version, assez rare à la scène, que présentait ce mois-ci l'Opéra de Lyon avec Natalie Dessay et Roberto Alagna dans les premiers rôles.
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Lorsque Gaetano Donizetti remanie sa Lucia pour la capitale française, l'opéra qui aujourd'hui encore lui sert d'emblème, Donizetti n'y va pas de main morte. Il coupe, il élague, il resserre, supprime des personnages secondaires (Lucie devient la seule femme de l'intrigue). Il conserve l'orchestration, mais adapte la ligne vocale au texte français. Et du coup, les couleurs de la partition changent.
À la suavité de la langue italienne, le Français oppose des contours plus anguleux, un éclairage plus violent. L'intensité dramatique remplace la poésie. Le romantisme brumeux de Walter Scott s'efface-t-il au profit d'Alexandre Dumas ? En France, on préfère la logique de l'action aux errances du rêve. Et l'air d'entrée de Lucie, qui se substitue au " Regnava nel silenzio " original, va dans ce sens, avec ce que cela peut impliquer d'efficacité et de prosaïsme.
Du spectacle, on retient surtout la sobriété des décors de Christian Fenouillat, mais que tout cela est sombre ! Les tonalités lugubres de ce mélo pur et dur ont-elles paralysé Patrice Caurier et Moshé Leiser, si imaginatifs, d'ordinaire ? Leur mise en scène se traîne sans trouver ses marques, et se laisse oublier.
L'énergie, on la trouve dans la fosse d'orchestre, où Evelino Pido, précieux soutien pour les chanteurs, donne à la partition une ferme assise, n'admet aucun temps mort, maintient la tension sans relâche, mais n'oublie jamais de laisser la mélodie respirer.
L'élocution de Roberto Alagna compte toujours parmi les plus belles qui soient ; lui qui incarna si souvent Edgardo dans la Lucia originale campe aujourd'hui Edgard avec le même aplomb vocal, un phrasé royal, et une conviction qui déplace les montagnes. Le comparer à lui-même, compte tenu des différences d'émission imposées par les deux langues, est déjà source de délice.
Timbre de bronze et autorité naturelle indiscutable, Ludovic Tézier réussit à sortir Henri (le frère sadique de l'héroïne) de l'ornière qui s'ouvre devant les rôles de méchant en lui donnant un minimum d'humanité. Des trois comparses, Marc Laho (Arthur, l'époux éphémère de Lucie), Yves Saelens (Gilbert, le traître), Nicolas Cavallier (Raymond, le chapelain), ce dernier s'impose en quelques mesures.
Vivre la rencontre entre un artiste et un personnage peut être un moment d'exception. Natalie Dessay incarne Lucie, se lance à corps perdu dans des vocalises étourdissantes, transcendant la simple virtuosité pour donner un sens à chaque note. Elle aime, souffre, meurt avec une fougue qui ne se dément jamais. Et ce qu'elle fait de la fameuse scène de la folie laisse pantois.
Elle qui ne manque jamais une occasion de jouer la comédie et trouve là un exutoire à ses désirs, jusqu'à s'y consumer. Et l'on est une fois encore stupéfait de constater combien la voix s'est élargie, a gagné en corps, en registre grave, en puissance, sans rien perdre de sa transparence. À une époque encore proche, elle eût salué sous un déluge de fleurs. Les traditions se perdent, hélas. Nul doute néanmoins que cette Lucie mérite mieux : le ciel avec des diamants.
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Opéra national, Lyon Le 07/01/2002 Michel PAROUTY |
| Nouvelle production de Lucie de Lammermoor de Gaetano Donizetti à l'Opéra national de Lyon. | Orchestre de l'Opéra de Lyon
Direction musicale : Evelino Pido.
Mise en scène : Patrice Caurier et Moshé Leiser.
Décors : Christian Fenouillat
Avec Natalie Dessay (Lucie), Roberto Alagna (Edgard Ravenswood), Ludovic TĂ©zier (Henry Ashton), Marc Laho (Sir Arthur), Nicolas Cavallier (Raymond), et Yves Saelens (Gilbert).
Diffusion mardi 22 janvier Ă 20h45 sur Arte. | |
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