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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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La Guerre et la Paix à l'Opéra Bastille
Guerre et désaccords (pour)
" La Guerre et la Paix " est considéré comme la plus grande oeuvre de la littérature russe. Prokofiev en a tiré une vaste fresque dont l'envergure a rarement été atteinte à l'opéra. Pour l'illustrer, l'Opéra Bastille n'aura jamais déployé autant de moyens. Mais, à la guerre comme à la guerre, nos critiques sont divisés.
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Opéra Bastille, Paris
Le 08/03/2000
Antoine Livio (1931-2001)
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Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
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Tolstoï a mis cinq ans pour écrire son roman. Il en fallut le double à Prokofiev pour composer les multiples versions (de 1941 à 1952) et il n'en vit jamais la création définitive au Bolchoï, le 15 décembre 1959, (six ans après sa mort). À l'image du roman, l'opéra est une fresque qui retrace les grands moments du début du XIXè siècle en Russie. Dès lors tergiverser devant la grandeur de l'oeuvre en tentant d'extraire certains passages que l'on estime plus faibles paraît aussi ridicule que de décortiquer une fresque picturale, puisque c'est précisément l'alternance de temps forts et de temps faibles qui crée le ressort dramatique d'un ouvrage.
Gary Bertini sait doser cette alternance, entre amour, humour et critique de la société. Sous son impulsion, l'Orchestre de l'Opéra développe tous ses registres pour raconter l'histoire, avec des subtilités de timbres qui sont la signature de Prokofiev. Parallèlement le récit est pris en compte par la mise en scène, simple, directe et efficace de Francesca Zambello. Aussi à l'aise dans l'évocation de la vie mondaine - d'un bal au dénouement d'une intrigue amoureuse - que dans le heurt des soldats ou la progression des armées. Avec l'aide de son complice Macfarlane pour les décors, elle enchaîne les actions, précipite le cours du drame et tient en haleine le spectateur. Bertini et Zambello ont donc réussi à eux deux à coordonner le jeu d'une quarantaine de solistes et de plus d'une centaine de choristes, danseurs et figurants, dans une cohésion et une homogénéité qui forcent l'admiration.
Au niveau du chant, l'effet est encore plus surprenant, tant il est vrai que les chanteurs russes nous ont trop longtemps habitués à les voir tirer chacun la couverture à eux, avec leurs traditions surannées et un art total du cabotinage. Ici, rien de tel. Les voix se fondent dans la couleur du récit, la danse s'insère parmi les choeurs, les effets de masse et leurs déplacements incessants n'empêchent jamais le déroulement musical du propos.
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Unique ombre au tableau, les distances sont telles qu'il y a parfois de très légers décalages entre la fosse et la scène.
Maintenant on peut prendre chaque interprète à tour de rôle et l'affubler d'un adjectif qui traduise notre enthousiasme devant tant de jeunesse, de beauté - vocale et physique - et de vrai sens dramatique. Une prouesse est à relever : le soir de la deuxième représentation, Anatoli Kotcherga (le Maréchal Koutouzov) fit annoncer par son médecin, un quart d'heure avant le lever du rideau qu'il était dans l'incapacité d'entrer en scène. Aussi Leonid Zimnenko, après avoir campé le vieux prince Bolkonski dans la première partie, joua les doublures et remplaça Kotcherga avec une perfection de jeu et un éclat vocal qui méritent mention.
Ainsi " La Guerre et la Paix " de Prokofiev s'impose comme la plus fabuleuse et la plus fastueuse réalisation que l'Opéra-Bastille ait jamais présenté, depuis son ouverture.
Lire l'avis opposé de Michel Parouty
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Opéra Bastille, Paris Le 08/03/2000 Antoine Livio (1931-2001) |
| La Guerre et la Paix à l'Opéra Bastille | Direction : Gary Bertini.
Mise en scène : Francesca Zambello.
Avec : Olga Gouriakova (Natacha Rostov), Nathan Gunn (le prince André), Robert Brubaker (Pierre Bezoukhov), Elena Zaremba (Hélène Bezoukhova), Anatoli Kotcherga (Koutouzov). | |
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