|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Création du troisième concerto de Fazil Say avec l'Orchestre National de France sous la direction d'Eliahu Inbal.
Rythme & Blues
On connaît le Fazil Say trublion endiablé du piano qui n'hésite pas à décaper Bach, Mozart ou Gershwin, on sait le pianiste amoureux de jazz et n'hésitant pas à marier ce dernier avec ses influences turques, mais on connaît encore mal ses propres compositions. Lacune en partie réparée avec la création de son 3e concerto début janvier.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
Originaire de Turquie (il a suivi ses études de piano et de composition à Ankara), vivant actuellement à New-York,Fazil Say compose comme il joue, comme un homme libre qui a décidé une fois pour toutes de décloisonner les musiques et les genres.
Rien de révolutionnaire dans l'écriture de son nouveau concerto, pourtant, on est frappé d'entrée par la diversité des références musicales et culturelles (musique tonale, jazz, folklore turc, musique tribale, écriture dodécaphonique, musique pour piano préparé
), et surtout par le fait qu'elles puissent cohabiter sans gĂŞne.
Dès les premières notes du mouvement initial (Silence of Anatolia), l'énergie se dégageant d'un style qui semble quasi-improvisé happe l'attention. Ici un rythme à connotation ethnique s'accroche au tympan et ne lâche plus, là un brusque chavirement altère le sens de l'orientation musical. Orient ou occident ? On ne sait plus, on s'en moque d'ailleurs.
Beaucoup plus violent, le second mouvement (Obstinacy) surgit comme une menace. L'atmosphère va cependant s'apaiser pour laisser place à d'amples mélopées ou la pulsation reste néanmoins motrice. Le 3e mouvement (Ballad) est carrément lyrique, exalté et franchement romantique.
Quant au dernier mouvement (Elegy), les évènements du 11 septembre ont poussé ce new-yorkais d'adoption à modifier ses intentions initiales pour laisser place à l'amertume. Le paysage est désolé. L'harmonie du premier mouvement n'a-t-elle été qu'un rêve ? Pour cette création, Eliahu Inbal et l'Orchestre National de France se sont montrés des partenaires toujours solides.
À l'instar des deux précédents, ce concerto constitue une vaste apologie du rythme. En conséquence, on ne peut que louer la performance des percussionnistes pour leur manière quasi chorégraphique de le faire vivre.
Deux symphonies complétaient le programme : la première de Prokofiev et la dixième de Chostakovitch.
Placée en début de concert, Prokofiev a connu un National brouillon qui n'avait pas encore trouvé ses marques. Le premier mouvement a révélé quelques insuffisances quant à la justesse et à la fusion des timbres. Il parut également étriqué et sans grandeur. Le Larghetto suivant ne s'est pas révélé plus convaincant, si ce n'est tardivement dans le pianissimo conclusif ; le temps pour le National de se rassembler dans un Molto vivace enfin percutant et bien réglé.
La dixième de Chostakovich est une oeuvre sombre, tragique, qui brosse un miroir gonflé de notes déchirées et de silences reflétant l'enfer d'un peuple sous le joug stalinien. Comme s'il y avait lui-même été confronté, Inbal a su retrouver le caractère tragique et désespéré de cette oeuvre, sans jamais perdre le fil de cette grande fresque où les vents distillent tant de belles couleurs moroses.
Entre Fazil Say et l'affliction conjuguée (voire jumelle) de New-York et Moscou, Paris a connu un véritable concert de rythme & blues.
| | |
|
Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 13/01/2002 Isabelle APOSTOLOS |
| Création du troisième concerto de Fazil Say avec l'Orchestre National de France sous la direction d'Eliahu Inbal. | Serguei Prokofiev : Symphonie n° 1
Fazil Say : Concerto pour piano n° 3 (création)
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 10
Orchestre National de France,
Direction : Eliahu Inbal
Fazil Say, piano | |
| |
| | |
|