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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert d'ouverture du Festival " Présences 2002 " à la Maison de Radio France.
Jeunes tigres
et vieux dragons
Le compositeur Tan dun présentant ses oeuvres. (© Eric Sebbag)
Cette année, l'ouverture du Festival " Présences " a donné lieu à un affrontement inattendu : d'un côté, un public considérablement rajeuni venu soutenir un compositeur de musique de film à succès, de l'autre, le clan des professionnels qui a tenu, parfois bruyamment, à manifester ses réserves à l'égard des oeuvres présentées.
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Rien de révolutionnaire dans Sirius du jeune français Jean-Jacques Di Tucci, donné en création, mais une écriture qui saisit toute la densité de l'orchestre pour la faire évoluer dans un espace sidéral, où des étoiles explosent et meurent, d'autres filent dans le vide en glissandi vertigineux, soumises semble-t-il à l'attraction aveuglante de Sirius, la plus brillante d'entre elles.
Les instruments sont sollicités par groupes compacts, se désagrègent et se recomposent ailleurs, jusqu'au " big-bang " final. La musique, " plus symbolique que délibérément descriptive ", selon le compositeur, annoncerait-elle discrètement la résurrection du " poème symphonique ", genre que l'on croyait défunt ?
Retour de Myung-Whun Chung et entrée de Tan Dun qui vont ensemble assumer la suite du programme. Déjà connu en Chine pour avoir été le porte-parole de la nouvelle vague musicale apparue après la révolution culturelle, Tan Dun poursuit, depuis son arrivée aux Etats-Unis en 1986, une oeuvre prolifique, abondamment saluée et récompensée, où le théâtre, le cinéma, la danse et les arts visuels sont omniprésents.
Orchestral Theatre II pour orchestre et public (si, si !), n'y échappe pas. La nécessité s'imposait d'une brève répétition pour la salle : Ré grave tenu à bouche fermée, façon moine tibétain, et petite phrase énigmatique (pour les non initiés) sur les syllabes " Hon mi la ga yi go ", destinée à être prononcée sur ordre du chef au moment où la musique atteindrait son " climax ".
Sur scène, le Philharmonique de Radio-France, aux balcons, plusieurs petites formations instrumentales, à gauche de la scène, une voix de basse, au centre Chung, à droite Tan Dun. Et l'on assiste à un curieux rituel : les gestes des deux chefs qui ne scandent que le silence, des mots lancés sur le souffle, ou brièvement modulés, des cris, et l'orchestre qui s'associe à cette étrange vocalisation sonore, mettant en oeuvre un matériau éclectique où la tradition chinoise flirte avec l'expérience occidentale.
Et la musique, d'une violence contrôlée en permanence, finit par engendrer un sentiment assez troublant de tranquillité
en éveil.
Avec Tigre et Dragon, pour violoncelle, vidéo et orchestre, on s'engage alors dans un interminable cérémonial, où sur l'écran, les images du cinéaste Ang Lee (1) s'enchaînent, délivrant la vision d'un temple cerné par les rumeurs de la ville, des paysages de vent, des forêts, des dunes labourées par le galop des chevaux, des combats d'arts martiaux réglés comme une chorégraphie antique.
Tan Dun invente de micros événements censés naître de l'action elle-même, loin du violoncelle qui chante et se lamente en longues phrases romantiques, ou en courtes interventions de plus en plus nerveuses. La musique donne l'impression de se nourrir sans cesse des mêmes idées, indéfiniment répétées. Dans le public, le clan des " avertis " s'impatiente et siffle, la jeune génération va répliquer par une claque enthousiaste en fin de concert ; involontairement, le public semblait s'être réparti les rôles de vieux dragons et jeunes tigres.
Une remarque
Quoique l'on pense des oeuvres présentées par Tan Dun, effectivement peu suceptibles d'être taxées d'avant-gardistes ou de pêcher par excès d'originalité, il faut avoir à l'esprit que le genre de musique de films qu'il compose reste l'un des derniers accès à la musique dite savante, pour une majorité du public de moins de trente ans. À l'heure où ce même public a tellement peu d'occasions d'ingurgiter autre chose que des tubes préfabriqués par voie cathodique, il n'est sans doute pas bien judicieux de l'effrayer d'une méchante bordée de quolibets, là où un silence poli eût largement suffi.
Eric Sebbag
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(1) Même si le titre Tigre et Dragon suggère le précédent succès du tandem Ang Lee – Tan Dun, il s'agissait en fait de " rush " numériques et d'une musique originale pour un film à venir.
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Salle Olivier Messiaen - Maison de la Radio, Paris Le 30/01/2002 Françoise MALETTRA |
| Concert d'ouverture du Festival " Présences 2002 " à la Maison de Radio France. | Jean-Jacques Di Tucci : Sirius
Tan Dun : Orchestral Theatre II : Re et Tigre et Dragon, pour violoncelle, video et orchestre.
Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction : Myung-Whun Chung – Tan Dun.
Stephen Richardson (basse), Tang Junqiao (flûte chinoise), David Cossin (percussions) et Anssi Karttunen (violoncelle). | |
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