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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d'Aïda de Verdi au Théâtre de la Monnaie.
Aïda au congélateur
© Johan Jacobs
Pour le bonheur des lyricomanes, l'année Verdi n'est décidément pas terminée, en témoigne cette Aïda que joue actuellement le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles avec Antonio Pappano à la baguette et Bob Wilson aux manettes. À l'opposé des péplums verdiens, l'américain a une fois de plus misé sur l'épure.
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Une mise en scène de Bob Wilson est un peu au théâtre ce que le Club Méditerranée est au voyage : que l'on choisisse la destination la plus exotique (Bora-Bora, les Fidjis, la Nouvelle-Calédonie) ou une villégiature sur une inusable ile grecque, l'absence de dépaysement est garantie. D'ailleurs le paysage est toujours le même : soleil et ciel azur qui épouse les flots turquoise d'un même dégradé.
Justement, les horizons dégradés sont la marotte de Wilson. Tous ses spectacles se déroulent sur des fonds de cette sorte, dans un décor épuré à l'extrême. Les personnages ont des mouvements très hiératiques, apparaissent fréquemment en ombres chinoises, et sont vêtus de costumes monochromes pour les hommes et de longues toilettes drapées pour les femmes.
C'est peu dire que les spectacles du metteur en scène américain fonctionnent sur des codes et un rituel figé presque indifférent au sujet. Il y a trente ans, cette stylisation quasi zen faisait sensation, et encore aujourd'hui, la moulinette Wilson peut faire illusion (par exemple pour le Voyage d'Hiver du Châtelet), mais pour combien de Pelléas, d'Alceste ou de Walkyrie qui ne supportent pas le congélateur ?
Pour Bruxelles, Bob Wilson a semble-t-il voulu prouver qu'Aïda n'est pas un opéra pharaonique, mais un drame tout ce qu'il y a de plus humain. Pourquoi pas ? Pourtant s'il y a une qualité que son dispositif scénique volontairement abstrait interdit, c'est l'humanité. Au détour d'une toilette d'une pureté de ligne totalement éblouissante, elle ne transpire que par les formes trop rondes d'une Amneris ou d'un Radamès.
Une Aïda intériorisée ?
Le projet d'une Aïda intériorisée trouve aussi ses limites avec une scène du triomphe que ne désavoueraient pas les chevaliers de la Table Ronde. Quant aux bouleversants monologues d'Aïda, une gestique vaguement inspirée de l'imagerie égyptienne empêche l'héroïne de paraître autrement que pétrifiée.
Et pourtant, comment ne pas souligner le professionnalisme d'un homme qui, s'il n'a pas su de se renouveler, jongle en maître avec les plans, les lumières et les couleurs ? Reste qu'on s'endormirait volontiers sur l'épaule de son voisin, s'il n'y avait un plateau vocal qui est loin de démériter.
Johan Botha est un Radames obèse comme rarement des planches de théâtre en ont eu le loisir d'en porter. Fossilisé dans cette mise en scène, le général égyptien a déjà ses galons de monument, ce n'est pas un jeune homme amoureux qui s'élance vers Aïda, c'est une des quatre statues d'Abu-Simbel qui s'ébranle. On n'en apprécie pas moins le phrasé impeccable du ténor sud-africain, tout juste regrettera-t-on des aigus un peu droits.
Remplaçant Elena Zaremba presque au pied levé, la mezzo Ildiko Komlosi a fait peur en début de soirée, ses premières interventions étant à peine audibles. Elle fut pourtant l'une des seules à rendre son jeu scénique quasiment supportable (compliment superlatif dans le contexte), et remporta un véritable triomphe au rideau grâce à son intervention finale.
Mark Doss fut un Amonasro à la technique de chant très incertaine mais à la présence scénique et au volume vocal également effrayants. Le roi de Maxim Mikhaïlov séduit par un phrasé impeccable et le Ramfis de Phillip Ens par un bel investissement vocal.
Sans doute dévorée de trac ou trop à l'étroit dans sa robe, l'Aïda de Norma Fantini gâcha ses belles attaques d'aigus filés par quelques approximations. Pour atteindre la stature d'Aïda, il lui manqua une sacrée dose d'engagement dramatique, mais on imagine sa peine en gesticulant de la sorte.
À côté d'une chorégraphie aussi sautillante que hors-sujet signée Makram Hamdam, on retiendra surtout la direction d'Antonio Pappano, lequel soutira à son orchestre des pyramides de nuances et de couleurs. Une vie à l'opposé de cette Aïda basse température selon Wilson, à laquelle il ne manquait que le sarcophage et les bandelettes.
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Théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles Le 30/01/2002 Camille de RIJCK |
| Nouvelle production d'Aïda de Verdi au Théâtre de la Monnaie. | Orchestre Symphonique et Choeurs de la Monnaie
Direction musicale : Antonio Pappano
Mise en scène, décors et éclairages Robert Wilson
chef des choeurs Renato Balsadonna
Aida : Norma Fantini
Radamès : John Botha
Amneris : Ildiko Komlosi
Amonasro : Mark Doss
Ramfis : Phillip Ens
Il Re : Maxim Mikhailov
Sacerdotessa : Michaela Remor
Un Messagiero : Giovanni Iovino | |
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