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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Cycle Les Grandes Voix, Céleste Productions-Jeanine Roze Productions, au Théâtre des Champs-Elysées, Paris.
Graham en or
Au Théâtre des Champs-Elysées, les mezzos ont le vent en poupe. Après la jeune et fraîche (mais déjà expérimentée) Angelika Kirchschlager, c'est Susan Graham, son aînée, qui vient faire démonstration de ses dons de mélodiste. Inégalable, assurément.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 13/02/2002
Yutha TEP
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Malgré toute l'admiration qu'on peut prodiguer à la belle autrichienne, force est de constater qu'elle a encore bien du chemin à parcourir pour parvenir aux mêmes sommets que son aînée américaine. Dans des oeuvres certes plus classiques – mais nullement plus faciles, Susan Graham a, l'espace d'une centaine de précieuses minutes, tenu l'audience de la salle parisienne sous un charme puissant. Artiste prisée de toutes les scènes d'opéra, elle est aussi une mélodiste accomplie, dosant à la perfection des moyens considérables.
Signe qui ne trompe pas, l'entrée sur scène impose une présence physique impérieuse, immédiatement relayée et étoffée par des Zigeunerlieder opus 103 (cinq lieder sélectionnés sur les onze du recueil) vocalement impériaux : rondeur du timbre, sûreté de l'intonation, aisance ryhtmique et perfection de la diction (elle le restera quelle que soit la langue utilisée) , la belle Susan fait souffler comme un vent d'allégresse tempéré toutefois par une dignité de grande musicienne. Début en fanfare donc, prudent aussi car ces lieder, éloignés de toute acrobatie vocale, sollicitent avant tout l'art des couleurs et de la variation d'atmosphère, parfaite mise en bouche avant d'aborder les Proses lyriques de Debussy. Lunaires, baignant dans une lumière intemporelle, ces oeuvres de la période dite symboliste du compositeur sont l'occasion pour Susan Graham de démontrer à nouveau quelle grande interprète du répertoire français elle est, comme en témoignent ses apparitions sur scène ou ses enregistrements. Si elle négocie parfaitement les périlleux sauts d'intervalle dont Debussy parsème ses partitions, la mezzo américaine hypnotise la salle avant tout par sa capacité à colorier à l'infini de longues phrases portées par un souffle inépuisable, passant du murmure le plus impalpable au forte le plus charnu, en appuyant simplement son timbre lorsque nécessaire. Dans les Sieben frühe Lieder de Berg, la leçon est tout aussi magistrale ; de la suspension extatique au lyrisme intense, ces lieder prennent ainsi l'apparence d'une ample coulée musicale aux mille scintillements.
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Changement de décor total avec la séquence suivante, composée des Quatre poèmes d'Apollinaire de Poulenc, suivis de quelques pochades de Messager (dont le fameux J'ai deux amants de L'Amour masqué) et d'une délicieuse espagnolade de Moïses Simons. Sans atteindre l'élégance raffinée de Dame Felicity Lott qui, au Châtelet, avait également chanté, avec un chic inimitable, J'ai deux amants, la digne Susan Graham sait cependant se déboutonner, trouvant soudainement l'ardeur juvénile qu'elle confère à ses Quinquin ou Chérubin. Peut-être pourrait-on simplement lui reprocher de manquer d'un souffle l'ironie sophistiquée des Poulenc, dont elle force quelque peu l'humour glacé. Vétilles que tout cela, face à un chant d'une telle beauté. Les bis sonnent alors comme un ultime moyen de prolonger le rêve, en particulier l'impalpable A Chloris qui, par ailleurs, ouvre son disque-récital consacré à Reynaldo Hahn. Que dire de Malcolm Martineau, sinon qu'il fut comme le double pianistique de la chanteuse, merveilleux de sensibilité, de complicité aussi, tout aussi prodigue en couleurs et en nuances que sa partenaire. Un partenaire en or pour une chanteuse en or.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 13/02/2002 Yutha TEP |
| Cycle Les Grandes Voix, Céleste Productions-Jeanine Roze Productions, au Théâtre des Champs-Elysées, Paris. | Susan Graham, mezzo-soprano
Malcolm Martineau, piano
Johannes Brahms : Zigeunerlieder opus 103
Claude Debussy : Proses lyriques
Alban Berg : Sieben frĂĽhe Lieder
Francis Poulenc : Quatre poèmes d'Apollinaire
André Messager : Vois-tu, je m'en veux, extrait de Les P'tites Michu – J'ai deux amants, extrait de L'Amour masqué
Moïses Simons : C'est ça la vie, c'est ça l'amour, extrait de Toi c'est moi
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