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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Cours d'interprétation public de Barbara Bonney en partenariat avec le Théâtre du Châtelet.
Barbara prise de cours
© Eric Sebbag
La Salle Cortot accueille régulièrement des cours d'interprétations de musiciens prestigieux. Ce mois-ci, la soprano américaine Barbara Bonney se livrait à cet exercice. Avant de la retrouver dans Arabella prochainement au théâtre du Châtelet, Altamusica y a prêté deux oreilles.
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L'Ecole Normale de Musique est une institution prestigieuse de renommée internationale dont la réputation s'est bâtie, entre autres, sur la qualité et la célébrité de ses enseignants. Les cours publics d'interprétation s'inscrivent dans sa politique générale et François-René Duchâble, Alicia de Larrocha, France Clidat, Mstislav Rostropovitch et Felicity Lott, pour ne citer que ceux-là , ont contribué à renforcer le prestige de ces cycles de " masterclasses ".
Ce genre d'exercice n'était pas une nouveauté pour Barbara Bonney : elle s'y était déja livrée, entre deux concerts, au Studio Sacha Guitry de Radio France en mars 2000, lors d'une session destinée à de jeunes chanteurs amateurs.
Cette fois, les "élèves" sont de jeunes professionnels, venus d'horizons divers, pré-sélectionnés sur dossier et sur audition par Jean-Pierre Brossmann et le chef de chant en titre du Châtelet, Sabine Vatin.
Barbara Bonney est charmante, juvénile, souriante, et plutôt sympathique. Elle a le goût de l'enseignement et aime communiquer. Par ailleurs, cette excellente chanteuse est une musicienne accomplie, sensible, qui voue une véritable passion à la mélodie en général et au lied en particulier.
Elle a, semble-t-il, deux péchés mignons : elle n'aime pas qu'on chante avec sa partition, considérant que "cela crée un obstacle par rapport au public" et par ailleurs, semble éprouver quelque réticence face aux chanteurs (ou chanteuses) dotés de voix sombres ou lourdes, argumentant qu'elle "chante depuis vingt-deux ans avec la même voix" et qu'il faut "essayer de garder tout au long de sa vie sa fraîcheur, protéger la jeunesse de sa voix d'enfant".
"Tout le monde voudrait vous entendre chanter comme Jessye Norman", dit-elle en préambule. "Or, la plupart des gens ont des voix lyriques, il y a très peu de voix dramatiques". Barbara Bonney insiste également sur le fait que nombre de jeunes chanteurs abordent souvent trop tôt des oeuvres trop larges pour leur voix, donne des conseils pratiques : dormir, ne pas boire de café et d'alcool et même... de lait, essayer de chanter le plus possible par coeur, apprendre les poèmes, s'imprégner du texte, et alléger, alléger...
En soi, tous ces préceptes sont on ne peut plus sages, raisonnables et remplis de bon sens, surtout pour les jeunes artistes débutants. D'où vient alors, qu'au cours de cette soirée assez longue - deux heures et demie - un certain sentiment d'insatisfaction s'installe ?
En fait, Barbara Bonney parle beaucoup plus de technique vocale que d'interprétation proprement dite. Or elle disposait d'un sujet en or, avec le nombre de mélodies de Richard Strauss à sa disposition ce soir-là . Elle ne l'exploite guère et préfère insister sur des points relativement secondaires : le fait d'avoir ou non sa partition est-il un réel problème par rapport au public, et n'est-il pas possible de le toucher tout bonnement par la qualité de son interprétation, avec ou sans ces quelques feuilles de papier ? On a vu les plus grands chanteurs donner des récitals avec leurs partitions. Certains même considèrent qu'ils effectuent en chantant ce répertoire un véritable travail de chambriste, et que le fait d'avoir leur musique avec eux les met à égalité avec le ou la pianiste et d' autres musiciens éventuellement partenaires.
Quant à la nature des voix, s'il est en effet regrettable de les noircir artificiellement, il est tout aussi déplorable de vouloir alléger à tout prix une voix d'une couleur réellement sombre ou large. Dieu merci, la mezzo-soprano Myriam Piguet, dotée d'un timbre de voix naturellement sombre et corsé n'a pu, et c'est tant mieux, se transformer en soprano léger.
Quant à Anne-Sofie Duprels, la grande révélation de cette soirée, entendue en fin de programme, elle est dotée par la nature (et le travail, certes) d'une voix de colorature virtuose dans les suraigus avec un médium solide, sombre et corsé, qui change agréablement des habituelles voix en "tête d'épingle" qui ont souvent cours sur le marché. Elle a fait avec "Amor" extrait des "Brentano Lieder" de Richard Strauss, une vertigineuse démonstration de virtuosité musicale, ce cycle de mélodies étant écrit dans une tessiture rappelant l'air de Zerbinetta dans "Ariane à Naxos" et celui de Fiakermilli dans "Arabella". Ces lieder demandent, outre une technique consommée, une solide culture musicale et une justesse à toute épreuve. Toutes ces qualités semblent figurer à la panoplie de cette jeune chanteuse de vingt-neuf ans dotée également d'un solide tempérament scénique et d'une personnalité très affirmée, qui ont sans doute contribué à ne pas lui faire trop alléger ce médium fort heureusement rond et plein.
On peut en fait se demander si Barbara Bonney n'a pas, comme beaucoup de chanteurs enseignants, le défaut majeur d'avoir du mal à s'adapter à une voix qui ne ressemble pas à la sienne, ce qui expliquerait cette méfiance envers des voix plus graves et plus charnues.
Malgré ces quelques réserves, il n'en demeure pas moins intéressant d'avoir pu assister à cette soirée et d'entendre ces jeunes chanteurs, tous dignes d'intérêt.
Ajoutons que d'autres cours auront lieu en 2002 : Thomas Hampson le 14 novembre, également en partenariat avec le Châtelet et aussi avec la Bibliothèque Gustav Mahler, Murray Perahia le 20 novembre et Jean-Philippe Lafont en janvier 2003, et que cette soirée avec Barbara Bonney a été filmée et enregistrée, en principe pour les archives de l'Ecole. Espérons que grâce au partenariat avec le Théâtre du Châtelet, il sera peut-être possible un jour de la voir sur une chaîne musicale.
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Salle Cortot, Paris Le 13/03/2002 Juliette BUCH |
| Cours d'interprétation public de Barbara Bonney en partenariat avec le Théâtre du Châtelet. | Chanteurs :
CĂ©cile Besnard, Hyon Lee, Anne-Sophie Duprels, sopranos
Myriam Piguet, mezzo-soprano,
Nicolas Bauchau, ténor
Pianiste accompagnateur et traducteur : David Zobel
Oeuvres travaillées :
Richard Strauss : Cecilie, Ich schwebe, Ich wollt ein Strausslein binden, Amor (Brentano Lieder)
Robert Schumann : Du, der herrlichste von allen (Frauen Liebe und Leben)
Franz Schubert : Wohin (Die Schöne Müllerin) | |
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