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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Barbara Hendricks et l'Ensemble Intercontemporain à la Cité de la Musique, Paris.
Romantisme période glaciaire
A priori, le programme, sur le papier, paraissait très séduisant, d'autant plus qu'il s'inscrivait en prélude à la manifestation "L'invention du Sentiment - Aux sources du Romantisme" à venir, du 2 avril au 30 juin 2002 à la Cité de la Musique de Paris, avec un choix d'oeuvres plutôt audacieux, mêlant savamment romantisme, pré-modernisme, modernisme et contemporain.
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Barbara Hendricks est une fine musicienne, dotée en début de carrière d'une jolie voix qui lui permit d'aborder avec bonheur le répertoire mozartien : airs de concerts, oeuvres religieuses, rôle de Suzanne des Noces à Aix. Mais ses incursions dans un répertoire qui n'était pas pour elle, à travers les rôles de Mimi, Gilda, Liu, pour ne citer que ceux-là , sans oublier sa médiocre Sophie du Rosenkavalier au disque, ont endommagé prématurément cette voix délicate et fruitée d'une manière que les outrages irréparables du temps n'ont fait qu'accentuer – ce que le concert de la Cité de la Musique a cruellement révélé.
Les Sieben Frühe Lieder, composés en 1905-1908 dans la version avec piano donnée ce soir, constituent un des monuments de la musique vocale, écrits sur une tessiture plutôt longue, et assez redoutable. Ils exigent une connaissance approfondie de la langue allemande et de sa prosodie – les textes sont de très haute qualité : y figure par exemple un poème de Rainer Maria Rilke - et une appréhension quasiment plastique, voire animale de cet univers, comme si la voix pénétrait les phrases musicales et littéraires pour étroitement s'y imbriquer afin de ne faire qu'un seul et même concept.
Déjà en difficulté à cause de la terrible tessiture (graves caverneux, médium souvent hésitant, les aigus seuls semblant avoir conservé quelque brillant), la soprano hache les mots sans pour autant les rendre plus intelligibles et ne parvient en aucune façon à transmettre cette idée jubilatoire de la musique au service du texte par le truchement de la voix. Autre monument vocal, très différent, certes, les Chansons de Bilitis de Claude Debussy, composées en 1897-98 sur des poèmes de Pierre Louÿs, se situent dans une tessiture plus moyenne, mettant moins en danger la cantatrice dont la diction en français est bien meilleure qu'en allemand. Mais là , si l'auditeur comprend mieux le texte, on se demande pour le coup si la chanteuse, elle, l'a compris. Barbara Hendricks semble en effet rester étrangère à la sensualité un peu précieuse de cette poésie érotico-kitsch fin de siècle, un peu datée, et ne donne qu'une lecture très neutre de cette musique savante et raffinée. Il est d'ailleurs curieux de constater que cette artiste qui eut si longtemps une image très "glamour" livre ces deux chefs-d'oeuvre avec une quasi absence de féminité.
Pour Berg, il conviendra donc de réécouter Jessye Norman, bien sûr, Margaret Price, et plus récemment, Anne-Sofie von Otter qui les grava deux fois : avec le piano de Bengt Forsberg et avec la Philharmonie de Vienne, dirigée par Claudio Abbado. Quant aux Bilitis, il est bon de se référer à Régine Crespin, qui les a enregistrées au disque, et, quand on a eu la chance de capter cette version "live", de réentendre l'irremplaçable et délicieuse Cathy Berberian, qui sut donner, peut-être encore plus que Crespin, une interprétation fascinante, presque enfantine, de cet univers.
Les choses s'arrangent un peu avec l'oeuvre de Bruno Mantovani dont Hendricks est dédicataire. Certes, comme il s'agit d'une création, aucune autre interprétation ne peut lui être comparée. De plus, le compositeur semble avoir pris soin de l'écrire sur des notes et dans une tessiture qu'elle peut encore assurer. Troisième déception cependant. Les textes sont de Heinrich Heine, et compte tenu de la mauvaise qualité de sa diction en allemand, on se demande à plusieurs reprises dans quelle langue elle chante.... Quant à l'oeuvre elle-même, elle n'est pas transcendante, mais se laisse cependant écouter.
Fort heureusement, les deux oeuvres de musique de chambre de Ligeti et Schumann où le talent de l'Ensemble Intercontemporain fait merveille, malgré parfois une certaine sécheresse, surtout chez Schumann : ils ont sauvé une soirée un peu chaotique. Espérons que le cycle à venir parviendra à trouver justement ce sentiment et ce romantisme cruellement absent ici.
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Cité de la Musique, Paris Le 20/03/2002 Juliette BUCH |
| Barbara Hendricks et l'Ensemble Intercontemporain à la Cité de la Musique, Paris. | Alban Berg
Sieben FrĂĽhe Lieder
György Ligeti
Trio pour violon, cor et piano
Andantino con tenerezza, vivacissimo molto ritmico, alla marcia, lamento (adagio)
Claude Debussy
Trois chanson de Bilitis pour soprano et piano
Robert Schumann
Märchenerzälungen, op. 132 pour clarinette, alto et piano
Lebfaft nicht zu schnell, Lebhaft und sehr markirt, Ruhiges, Tempo mit zartem Ausdruck, Lebhaft sehr markirt.
Bruno Mantovani
Das erschafft der Dichter nicht (commande de l'Ensemble Intercontemporain, création mondiale)
Le Retour (XLIII), Le Retour (LIX) Intermezzo lyrique (IX), Nocturnes (II), Le Retour (XIX), Le Retour (XLIII) Intermezzo lyrique (XVI)
Barbara Hendricks, soprano
Solistes de l'Ensemble Intercontemporain : Alain Billard, clarinette basse – Jean-Christophe Vervoitte, cor – Samuel Favre, percussion – Michel Wendeberg, piano – Jeanne-Marie Conquer, violon – Odile Auboin, alto – Pierre Strauch, violoncelle | |
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