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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production d'Arabella de Richard Strauss dans la mise en scène de Peter Mussbach.

Arabella à l'épreuve
des marches

© Marie-Noëlle Robert

© Marie-Noëlle Robert

Très rarement représentée en France Arabella est la dernière oeuvre commune du tandem Richard Strauss-Hugo von Hoffmannsthal ; un opéra charnière qui marque la fin d'une époque. Pour ce retour parisien, on attendait les débuts de Karita Mattila, mais la grande finlandaise ne vint que pour la seconde représentation.
 

Théatre du Châtelet, Paris
Le 10/04/2002
Gérard MANNONI
 



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  • Quasi perfection musicale dans une mise en scène très mode et un décor clinquant inutilement compliqué, avec des costumes très laids dans un style « punk » germanique pour toute la figuration. On pourrait résumer ainsi la première impression donnée par cette production d'Arabella si attendue au Châtelet.

    Mais, reconnaissons-le, on manque de points de comparaison, l'ouvrage étant très rarement donné chez nous. En remontant très loin- vraiment très loin dans leurs souvenirs, certains se rappellent sans doute Lisa Della Casa au Théâtre des Nations et, nettement moins loin, Kiri Te Kanawa au palais Garnier.

    On attendait Karita Mattila et ce fut Anna-Katharina Behnke qui assura la première. Belle et parfaite musicienne et cantatrice, elle a remporté un triomphe mérité. Tout comme Barbara Bonney, évidemment une Zdenka de rêve.

    Voix idéale pour Mandryka, Thomas Hampson se révéla extrêmement investi et généreux, même si le personnage que lui fait jouer Mussbach n'est pas forcément celui qui convient le mieux au sujet.Mandryka n'est-il pas plutôt un ténébreux un peu rude, mais mystérieux, avec cette aura « mittel-europa » déjà décadente, qu'un fougueux noble campagnard plus proche du Baron Ochs que des rêves romantiques d'Arabella ?

    Dans un entrelacs d'escaliers métalliques clinquants qui rappellent ceux de la Pyramide du Louvre, Mussbach fait évoluer toute une population assez inutile, surtout lorsqu'il s'agit d'une noria de grooms qui vont et viennent sans autre raison apparente que de faire un peu d'animation. Et la transposition vers une époque plus moderne de tout ce cadre qui devrait être typiquement viennois gène plus qu'elle n'apporte quoi que ce soit de positif ou de nouveau.

    Mussbach a été nettement plus heureux dans la caractérisation des différents personnages principaux, bien définis, originaux. La direction musicale de Christoph von Dohnanyi révèle bien des aspects un peu rudes de cette partition qui mettent en relief tout ce qui est plus typiquement straussien dans le sens du charme et de la sensualité.


    Gérard MANNONI




    Mattila est là

    On attendait les débuts de Karita Mattila dans le rôle d'Arabella. Souffrante, elle n'avait pu assurer la première. Mais dès la deuxième représentation, elle prenait enfin ce rôle qui met merveilleusement en valeur toutes ses qualités. Grande et blonde, elle est d'une radieuse beauté.

    On avait le souvenir de Kiri Te Kanawa, en 1985, au Palais Garnier, brune et altière, le regard embué d'une étrange douceur. Karita Mattila semble mystérieuse, énigmatique, même, mais la mise en scène suggère, dans les dernières minutes, un personnage plus ambigu, dont la réserve n'est que de surface.

    La voix, longue et souple, qui se déploie sans effort dans les longues phrases straussiennes, dégage une séduction immédiate ; le timbre, charnu, soyeux, au grain très particulier, est enchanteur. Et, pour une fois, aucun problème d'intonation ne vient perturber ce chant d'une santé sans pareille.

    Parfaitement entourée (à l'exception de la Fiakermilli stridente d'Olga Trifonova), elle forme avec Thomas Hampson, son Mandryka, homme des bois sûr de lui et plutôt extraverti, d'une superbe insolence vocale, un couple exceptionnel.

    On peut imaginer direction plus sensible et poétique que celle de Christoph Von Dohnanyi ; mais sous sa baguette, la somptuosité sonore du Philharmonia est un autre sujet de volupté.



    Le 13 avril, Michel PAROUTY





    Le crépuscule et les oublis

    L'action d'Arabella se situe à Vienne, sous le règne de François-Joseph, et baigne dans une atmosphère rappelant le roman d'Arthur Schnitzler « Vienne au crépuscule Â». Ce n'est plus la Vienne triomphante du règne de Marie-Thérèse et du Rosenkavalier, mais celle, délétère, de la fin d'un monde. Les parents d'Arabella sont des aristocrates sans le sou, criblés de dettes, qui ne voient que l'éventuel riche mariage de leur fille aînée « Bella Â» pour les tirer d'affaire.

    Au Châtelet, von Donhànyi s'évertua à faire tonitruer l'orchestre, couvrant les interprètes qui n'eurent d'autre viatique pour se faire entendre que de chanter fortissimo. D'entrée, le charme crépusculaire de l'oeuvre s'en trouva anéanti.

    Remplaçant Karita Mattila in extremis pour la première, Anna-Katarina Benkhe n'a pas vraiment les moyens d'un rôle qui se rapproche de la Comtesse des Noces de Figaro. Sans démériter compte tenu des circonstances, Benkhe n'avait pas la fluidité, le legato et la luminosité radieuse qui conviennent à Arabella.

    Le Mandryka très « brut de décoffrage Â» de Thomas Hampson appelait aussi des réserves. Ce magnifique chanteur semble être passé à côté de cet être complexe, émouvant, comme tombé d'une autre planète, qui n'est ni une brute, ni un butor.

    La seule qui endossa parfaitement son costume straussien fut Barbara Bonney, parfaitement délicieuse en Zdenka. Fouillée, ambiguë à souhaits, sa composition délivra un chant irréprochable et fascinant qui ne surprend pas chez l'une des meilleures Sophie (Rosenkavalier) du moment.

    Les autres chanteurs se tirent honorablement du concours de décibels auxquels ils sont contraints ; mention spéciale pour Günter Missenhardt et Cornelia Kallisch en comte et comtesse Waldner.

    Reste la production. Le travail scénique est indéniable et le parti pris de la transposition peut sembler cohérent. Le décor unique, une sorte de fusion d'une partie de l'aéroport de Roissy avec un grand magasin ultra-moderne, est plutôt agréable à regarder.

    Mais la transposition n'est pas sans poser quelques problèmes. Par exemple, comment rendre crédible le drame provoqué par l'éventuelle perte de virginité d'Arabella dans un contexte — le bal qui précède — peuplé de junkies hyper déjantés où gambade et trille de manière un peu stridente une Fiakermilli « branchouille Â» complètement survoltée ?

    Tout cela aboutit à ce que la scène finale, un des sommets de l'opéra, entre Mandryka et Arabella qui offre à ce dernier un verre d'eau pure en gage de son amour, tombe un peu à plat. On ne retrouve pas la magie du souvenir d'il y a plus de vingt ans, avec la divine Te Kanawa nimbée de lumière, dans une mise en scène pourtant on ne peut plus classique.

    On gardera quand même quelques beaux moments, en particulier avec les duos de Zdenka et Arabella où le chef oublia miraculeusement de faire tonitruer l'orchestre. On aurait apprécié des « oublis Â» plus nombreux.

    Juliette BUCH




    Théatre du Châtelet, Paris
    Le 10/04/2002
    Gérard MANNONI

    Nouvelle production d'Arabella de Richard Strauss dans la mise en scène de Peter Mussbach.
    Comédie Lyrique en trois actes
    Livret de Hugo von Hoffmannsthal

    Créée le 1er juillet 1933 à Dresde.


    Direction Musicale : Christoph von Dohnànyi
    Mise en Scène : Peter Mussbach
    Décors : Erich Wonder
    Costumes : Andrea Schmidt-Futterer
    Lumières : Alexander Koppelmann

    Avec Anna-Katharina Behnke et Karita Mattila (Arabella), Barbara Bonney (Zdenka), Thomas Hampson (Mandryka), Günter Missenhardt (le comte Waldner), Cornelia Kallisch (Adelaïde), Hugh Smith (Matteo), Endrik Wottrich (le comte Elemer), Jochen Schmeckenbecher (le comte Dominik), Nicolas Courjal (le comte Lamoral), Olga Trifonova (Milli), Sarah Walker (une cartomancienne), Jean-Michel Ankaoua (Welko), Jean-Yves Ravoux (un garçon d'étage), Valery Drougovskoï, Philippe Lignères, Jean-Jacques David (joueurs).

     


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