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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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XXe anniversaire des Musiciens du Louvre.
Au faîte de Rameau
Jamais Rameau n'aura été à une telle fête. En en faisant le grand ordonnateur des réjouissances du concert donné pour les vingt ans des Musiciens du Louvre, Marc Minkowski faisait un pari ambitieux qui excluait la complaisance d'un programme éclaté où l'on " passe " le répertoire comme une revue de détails.
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Trois heures de musique sur le seul nom de Rameau : qui ose aujourd'hui le faire ? Et qui oserait s'en plaindre ?
La soirée fut grandiose. Entre un Rigaudon et une Contredanse, une Chaconne et une Pastorale, on essuyait les vents furieux de La Princesse de Navarre, on frissonnait délicieusement aux combats des titans de Naïs, ou à l'apparition du monstre de Dardanus, on se désolait des amours tourmentées d'Hippolyte et Aricie, mais on s'enchantait des bouffonneries de Platée, et on allumait le calumet des Indes galantes.
La soirée était aussi celle de la fidélité (partagée) aux chanteurs dont la plupart ont assuré les grands soirs des Musiciens du Louvre, avec un plateau dominé par l'exceptionnelle présence vocale de Laurent Naouri en premier grand rôle, le style et la classe de Nathalie Stutzmann, la ligne de chant parfaite d'Anne Sofie von Otter, la grâce de Magali Léger, et l'irrésistible pétulance de Mireille Delunsch.
Marc Minkowski rayonnait : le geste souple et généreux, porté par un formidable désir de musique, incitant au maximum d'expression dans tous les registres, il n'a pas hésité à engager discrètement Rameau, le cartésien (dit-on un peu vite), à se tourner du côté de l'Italie, de la sensualité et de l'abandon.
La conclusion de la soirée, on pourrait l'emprunter à cet air irrésistible des Boréades : " Jouissons, jouissons
"
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L'âge de déraison
Des divas, des beautés pulpeuses, un ministre (celui de la Culture, bien évidemment) et du champagne à pleines coupes au cocktail de la 3e mi-temps. Pour les vingt ans de ses Musiciens du Louvre – choeurs et orchestre – Marc Minkowski avait bien fait les choses et joint le décorum à la manière.
Disons que tout ce qui compte dans le Gotha du chant baroque était convoqué sur la scène du Châtelet. Tout ce qui compte ? Enfin, presque, car plusieurs forfaits – Michel Sénéchal, Lynne Dawson, Jennifer Smith – se faisaient remarquer dans une distribution tournant néanmoins à la revue d'effectifs, hors de tout projet spécifique.
Pourtant, attentif à la cohérence, le cher " Minko " avait eu l'heureuse idée de placer la programmation sous le seul patronage de Rameau, l'un de ses génies tutélaires, avec Haendel et Offenbach. Et le meneur de jeu désamorçait le risque du concert-vitrine en alternant ingénieusement airs, incises instrumentales et extraits de ballets.
Dans ce rôle de " maître à danser ", l'ancien bassonniste devenu chef affûté, acéré, est tout simplement irremplaçable, opposant la trémulation des Tambourins ou les fascinantes équivoques modulantes d'une Contredanse tirée des Boréades au souffle extasié de tel Air gracieux (la Naissance d'Osiris).
Le plateau vocal a connu cependant des fortunes diverses. Ainsi de l'émouvante Nathalie Stutzmann, en délicatesse avec la justesse dans l'air de Phèdre, Cruelle Mère des Amours (Hippolyte et Aricie), ou du ténor de John Mark Ainsley, fourvoyé dans l'air Lieux funestes de Dardanus.
Mais ces déconvenues étaient largement compensées par l'héroïsme sans faille de Laurent Naouri, avec, à ses côtés, la révélation de la jeune soprano Marion Harousseau dans une scène d'Anacréon, et aussi le dolorisme sublimé de la belle Magdalena Kozena dans l'air Tristes Apprêts de Castor et Pollux.
Tout à la fin, la personnalité hors normes de Mireille Delunsch enfiévrait un irrésistible Air de la Folie emprunté à Platée, laissant l'auditeur sur une véritable impression d'euphorie, jusqu'au dernier accord. Surtout, qu'on ne la guérisse pas !
Roger TELLART
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