|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Concert de l'Orchestre Philharmonique de Vienne sous la direction de Riccardo Muti au Théâtre des Champs-Elysées, Paris.
Un physique de cinéma
Après la venue très acclamée de Christian Thielemann en tout début de saison, c'est au tour de Riccardo Muti de proposer aux auditeurs du Théâtre des Champs-Élysées un concert avec l'Orchestre Philharmonique de Vienne. Mais le choix d'un programme très bateau ne donnait guère espoir d'entendre le chef italien enfin se renouveler.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
Depuis quinze ans, Riccardo Muti semble ne pas avoir évolué d'un iota : il ressasse indéfiniment les mêmes tubes du répertoire sans une idée neuve. En témoigne une 40e symphonie de Mozart dénervée car encombrée de phrasés émollients. Le chef italien s'écoute diriger, semble se flatter d'une jolie sonorité, mais ne cherche jamais à rendre justice à une partition des plus dramatiques qu'il encombre d'effets : ralentis inutiles, legato sirupeux, attaques molles à n'en plus finir.
Là où un phrasé de cordes al dente eût été suffisant, il en rajoute dans la cuisson, histoire de rendre la « pasta sinfonica » collante et flasque. Le Molto allegro initial, assez lent, ne décolle à aucun moment, mais reste plus supportable qu'un Andante bourré d'effets vaguement théâtraux, dans le pire style d'opéra, le coeur sur la main.
Le Menuet, un rien plus intéressant, est sauvé par deux cornistes hors-pair et suprêmement techniciens, mais on tout de même à quoi sert le cinéma de Muti, quand pour attaquer le mouvement, il donne à l'orchestre une levée presque deux fois plus lente que le tempo qu'il a choisi. Le résultat en est un appui grossier sur le premier temps et un grand flou rythmique dans les premières mesures. On se souviendra aussi du Finale pour sa seule coda, où soucieux de déclencher la frénésie chez les spectateurs aimant applaudir, Muti fait entendre deux accords terminaux « hénaurmes » et très ralentis, en forme de panneau « applause ! ».
On prend peur pour Schubert
On en vient à prendre peur pour la Grande de Schubert prévue après l'entracte. De fait, le portique aux cors qui ouvre l'oeuvre est d'une banalité consternante, sans la moindre portée ni majesté, et se contente d'enfiler les notes. La transition vers l'Allegro ne retient pas plus l'attention, avec ses timbales étouffées et ses trombones inexistants. Concernant ces derniers, la volonté du chef italien de les faire jouer comme au fond des coulisses est une aberration car elle ignore une donnée de l'histoire de l'orchestration qu'inaugure à cette échelle la 9e de Schubert : une partie de trombones par trois développée et complètement indépendante, dont saura s'inspirer Bruckner dès ses premiers opus.
Ici, comme l'ensemble des vents, les trombones sont noyés dans les cordes. Pourtant, Muti a choisi de doubler les parties de bois, leur infligeant quatre exécutants, pratique généralement délaissée de nos jours en raison des problèmes d'intonation qu'elle entraîne. Régler la balance entre l'avant et l'arrière de l'orchestre aurait été plus judicieux, car même avec ces doublures, on ne perçoit pas distinctement la petite harmonie.
L'Andante con moto commence à suggérer des sonorités et une conduite du texte enfin dignes de ce nom. À partir du climax, le chant du hautbois prend alors un ton nostalgique typiquement schubertien, et bénéficie de la réponse des sublimes violoncelles viennois dans le médium. Le Scherzo continue sur cette lancée, dans un tempo rapide et des phrasés bien articulés. Seul le Trio se perd un peu en raison d'un tempo trop hâtif à la tension jamais relâchée.
Le Finale, brillantissime quoique peu dramatique, bénéficie des triolets impeccables des cordes, d'une grande précision et d'un rebond idéal. Muti fait toujours son cinéma, tantôt s'agitant en tous sens pour bien montrer qu'il a trouvé un accent original, tantôt laissant indolemment jouer l'orchestre, occasionnant parfois de légers décalages rythmiques entre bois et cordes.
Des touches personnelles souvent incompréhensibles : pourquoi faire surgir les seconds violons ici, pourquoi phraser legatissimo là , pourquoi donner un accent incongru ailleurs ? Autant d'effets ne découlant jamais d'une logique interne, organique ou structurelle. Sans aller jusqu'à la sentence de Celibidache qui disait de Muti que « bien que très doué, c'est un grand ignare », on peut au moins dire qu'il avait le physique pour être un grand acteur
de cinéma.
| | |
|
Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 20/01/2003 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre Philharmonique de Vienne sous la direction de Riccardo Muti au Théâtre des Champs-Elysées, Paris. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Symphonie n° 40 en sol mineur K. 550
Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie n° 9 en ut majeur D.944, « la Grande »
Wiener Philharmoniker
direction : Riccardo Muti | |
| |
| | |
|