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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Concert de l'Orchestre Philharmonique de Vienne sous la direction de Riccardo Muti au Théâtre des Champs-Elysées, Paris.

Un physique de cinéma
© D.R.

Après la venue très acclamée de Christian Thielemann en tout début de saison, c'est au tour de Riccardo Muti de proposer aux auditeurs du Théâtre des Champs-Élysées un concert avec l'Orchestre Philharmonique de Vienne. Mais le choix d'un programme très bateau ne donnait guère espoir d'entendre le chef italien enfin se renouveler.

 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 20/01/2003
Yannick MILLON
 



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  • Depuis quinze ans, Riccardo Muti semble ne pas avoir Ă©voluĂ© d'un iota : il ressasse indĂ©finiment les mĂŞmes tubes du rĂ©pertoire sans une idĂ©e neuve. En tĂ©moigne une 40e symphonie de Mozart dĂ©nervĂ©e car encombrĂ©e de phrasĂ©s Ă©mollients. Le chef italien s'Ă©coute diriger, semble se flatter d'une jolie sonoritĂ©, mais ne cherche jamais Ă  rendre justice Ă  une partition des plus dramatiques qu'il encombre d'effets : ralentis inutiles, legato sirupeux, attaques molles Ă  n'en plus finir.

    Là où un phrasé de cordes al dente eût été suffisant, il en rajoute dans la cuisson, histoire de rendre la « pasta sinfonica » collante et flasque. Le Molto allegro initial, assez lent, ne décolle à aucun moment, mais reste plus supportable qu'un Andante bourré d'effets vaguement théâtraux, dans le pire style d'opéra, le coeur sur la main.

    Le Menuet, un rien plus intĂ©ressant, est sauvĂ© par deux cornistes hors-pair et suprĂŞmement techniciens, mais on tout de mĂŞme Ă  quoi sert le cinĂ©ma de Muti, quand pour attaquer le mouvement, il donne Ă  l'orchestre une levĂ©e presque deux fois plus lente que le tempo qu'il a choisi. Le rĂ©sultat en est un appui grossier sur le premier temps et un grand flou rythmique dans les premières mesures. On se souviendra aussi du Finale pour sa seule coda, oĂą soucieux de dĂ©clencher la frĂ©nĂ©sie chez les spectateurs aimant applaudir, Muti fait entendre deux accords terminaux « hĂ©naurmes Â» et très ralentis, en forme de panneau « applause ! Â».

    On prend peur pour Schubert

    On en vient à prendre peur pour la Grande de Schubert prévue après l'entracte. De fait, le portique aux cors qui ouvre l'oeuvre est d'une banalité consternante, sans la moindre portée ni majesté, et se contente d'enfiler les notes. La transition vers l'Allegro ne retient pas plus l'attention, avec ses timbales étouffées et ses trombones inexistants. Concernant ces derniers, la volonté du chef italien de les faire jouer comme au fond des coulisses est une aberration car elle ignore une donnée de l'histoire de l'orchestration qu'inaugure à cette échelle la 9e de Schubert : une partie de trombones par trois développée et complètement indépendante, dont saura s'inspirer Bruckner dès ses premiers opus.

    Ici, comme l'ensemble des vents, les trombones sont noyés dans les cordes. Pourtant, Muti a choisi de doubler les parties de bois, leur infligeant quatre exécutants, pratique généralement délaissée de nos jours en raison des problèmes d'intonation qu'elle entraîne. Régler la balance entre l'avant et l'arrière de l'orchestre aurait été plus judicieux, car même avec ces doublures, on ne perçoit pas distinctement la petite harmonie.

    L'Andante con moto commence à suggérer des sonorités et une conduite du texte enfin dignes de ce nom. À partir du climax, le chant du hautbois prend alors un ton nostalgique typiquement schubertien, et bénéficie de la réponse des sublimes violoncelles viennois dans le médium. Le Scherzo continue sur cette lancée, dans un tempo rapide et des phrasés bien articulés. Seul le Trio se perd un peu en raison d'un tempo trop hâtif à la tension jamais relâchée.

    Le Finale, brillantissime quoique peu dramatique, bénéficie des triolets impeccables des cordes, d'une grande précision et d'un rebond idéal. Muti fait toujours son cinéma, tantôt s'agitant en tous sens pour bien montrer qu'il a trouvé un accent original, tantôt laissant indolemment jouer l'orchestre, occasionnant parfois de légers décalages rythmiques entre bois et cordes.

    Des touches personnelles souvent incomprĂ©hensibles : pourquoi faire surgir les seconds violons ici, pourquoi phraser legatissimo lĂ , pourquoi donner un accent incongru ailleurs ? Autant d'effets ne dĂ©coulant jamais d'une logique interne, organique ou structurelle. Sans aller jusqu'Ă  la sentence de Celibidache qui disait de Muti que « bien que très douĂ©, c'est un grand ignare Â», on peut au moins dire qu'il avait le physique pour ĂŞtre un grand acteur
    de cinéma.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 20/01/2003
    Yannick MILLON

    Concert de l'Orchestre Philharmonique de Vienne sous la direction de Riccardo Muti au Théâtre des Champs-Elysées, Paris.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Symphonie n° 40 en sol mineur K. 550

    Franz Schubert (1797-1828)
    Symphonie n° 9 en ut majeur D.944, « la Grande Â»

    Wiener Philharmoniker
    direction : Riccardo Muti

     


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