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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production du Démon d'Anton Rubinstein dans le cadre de la saison russe du Châtelet.
La beauté du diable
© Marie-Noelle Robert
Quatre-vingt-douze ans après sa première en France, la saison russe du Châtelet accueille Le Démon d'Anton Rubinstein ; l'occasion de redécouvrir un compositeur dont la portée dépasse l'image du légendaire virtuose qu'il était, fondateur de l'école russe de piano et du Conservatoire de Saint-Petersbourg.
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Opéra fantastique, inspiré du poème de Lermontov, l'opéra de Rubinstein voit le maître de l'empire du mal soudain lassé de ses diableries, désenchanté et saisi d'un mal de vivre que la haine ne parvient plus à guérir, et qui attend de l'amour salut et rédemption.
Comment y croire ? Mais aussi comment résister au démon qui implore, supplie, et réussit à troubler la jeune princesse Tamara à la vertu pourtant si bien gardée (" Tu seras la souveraine du monde ") ? Comment ne pas céder au diable lorsqu'il promet de renoncer au fer et au feu contre un baiser ?
Le ciel et l'enfer entrent en guerre, les anges s'en mêlent et jusqu'au bout la victoire reste incertaine. Mais le baiser mortel qui devait sceller l'alliance infernale sauve enfin l'âme de Tamara, et condamne le démon à l'éternelle errance.
Anton Rubinstein a écrit une partition d'un romantisme exacerbé, avec quelques pages splendides et une invention mélodique qui parcourt l'oeuvre entière. Les tableaux s'enchaînent sur le modèle du grand opéra à la Meyerbeer, mais Liszt et Wagner, dont Rubinstein s'était nourri au cours de ses voyages en Occident, ne sont pas loin.
Les deux premiers actes auraient mérité quelques coupures, mais le dernier, entièrement consacré au duo du démon et de Tamara, est d'une beauté à couper le souffle. Sous la direction volcanique de Valery Gergiev, l'orchestre et le choeur révèlent l'étendue de leurs potentialités, obéissant aux règles d'or des équilibres entre la fosse et le plateau, et ce n'est pas rien.
Evgueny Nikitin est un Démon auquel on vendrait volontiers son âme : grande allure, timbre clair, et de la vaillance pour passer de la rage à la ruse, de l'amour au désespoir. La voix puissante de Marina Mescheriakova évoque plus les débordements d'une Walkyrie que les égarements de Tamara, mais elle reste bouleversante dans le duo final.
Reste la mise en scène aberrante de Lev Dodine. Avec lui, l'Ange moralisateur est déguisé en carmélite. On découvre le cadavre encore fumant de jeune prince Sinodal au milieu des réjouissances du palais. Enfin, il laisse les choeurs et les acteurs livrés à eux-mêmes comme des pauvres diables. Bref, pour la plus grande beauté du Démon, on aurait largement préféré une version de concert.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 22/01/2003 Françoise MALETTRA |
| Nouvelle production du Démon d'Anton Rubinstein dans le cadre de la saison russe du Châtelet. | Le Démon d'Anton Rubinstein (1829-1894)
Opéra fantastique en trois actes
Livret d'Apollon Maïkov et Pavel Viskovatov, d'après Lermontov
Créé le 13 janvier 1875 au Théâtre Mariinsky de Saint-Petersbourg
Solistes, choeur et orchestre du Théâtre Mariinski de Saint-Petersbourg
Direction musicale : Valery Gergiev
Mise en scène : Lev Dodine
Avec Evgueny Nikitin (Le DĂ©mon), Natalia Evstafieva (L'Ange), Marina Mescheriakova (Tamara), Ilya Levinsky (Le Prince Sinodal), Olga Markova-MikhaĂŻlenko (La Nourrice), NikolaĂŻ Okhotniko (Le vieux serviteur du Prince), MihaĂŻl Kit (Le Prince Goudal)
(29 janvier – 1er et 3 février)
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