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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Lulu d'Alban Berg à Toulouse.
L'origine de la femme ?
Marisol Montalvo et Wolfgang Schöne (© Patrice Nin)
Dans la nouvelle production toulousaine du chef-d'oeuvre d'Alban Berg, pour une fois, Lulu est la femme d'un seul homme, ou presque, puisque Pet Halmen porte sur ses épaules le poids dramatique et scénique de cette nouvelle production. Que se passe-t-il, selon lui, dans la tête d'une femme ? Bien malin qui le saura.
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L'élément premier du décor est un crâne gigantesque, crâne rasé, yeux clos. S'ouvrant en deux, il révèle non pas le cirque prévu dans le prologue, mais un amphithéâtre de médecine. Sur une table de dissection, un corps (Lulu, morte, fouaillée par le couteau de Jack l'Eventreur) attend la morsure du scalpel.
Les scènes qui vont suivre ne sont, de toute évidence, qu'un long retour en arrière, au fil de la version en trois actes terminée par Friedrich Cehra qui s'est désormais imposée depuis sa création à Paris en 1979.
Entre Pandore, première femme de la mythologie grecque, et Eve, où situer Lulu ? Pure incarnation de l'érotisme comme le voulait Franz Wedekind dans les deux pièces dont Berg s'est inspiré ? Amorale ? Sans conscience ? Victime, elle aussi, ce que souligne le compositeur ?
Halmen ne tranche pas mais ouvre des pistes, privilégiant malgré tout celle de la sexualité libre et sans entraves, ne serait-ce qu'en choisissant de remplacer l'habituel portrait de l'héroïne trônant en bonne place par une reproduction de L'Origine du monde de Gustave Courbet, peinture innocente ou perverse selon les yeux qui la regardent.
Une vision aussi puissante exigeait une distribution sans faute et une direction musicale à sa hauteur. L'orchestre du Capitole répond comme un seul homme aux intentions de Günther Neuhold dont la précision est aussi affaire de poésie.
Gilles Ragon et Marisol Montalvo
Réunir une équipe de fins musiciens doublés de comédiens efficaces, capables d'affronter les pièges d'un jeu stylisé, aux limites de l'expressionnisme, n'était pas une sinécure. Avec de fortes personnalités (Mazura pour Schigolch, Schöne pour Schön, Katharine Gœldner, bouleversante comtesse Geschwitz), Halmen n'a aucune peine à atteindre son but.
Marisol Montalvo s'était fait remarquer en créant, à Monte-Carlo, la Cecilia de Charles Chaynes. Ses débuts dans le rôle de Lulu compteront dans sa carrière. Non seulement, elle en possède le physique (et n'hésite pas à dévoiler ses charmes), mais elle en maîtrise la tessiture avec une réjouissante insolence.
Toulouse n'avait encore jamais accueilli l'autre chef-d'oeuvre de Berg. Son triomphe au Capitole laisse à penser que la Roche Tarpéienne est loin d'être en vue.
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Théâtre du Capitole, Toulouse Le 31/01/2003 Michel PAROUTY |
| Nouvelle production de Lulu d'Alban Berg à Toulouse. | Orchestre du Capitole de Toulouse
Direction musicale : Günther Neuhold.
Mise en scène, costumes, décors, lumière : Pet Halmen.
Avec Marisol Montalvo (Lulu), Katharine Gœldner (la comtesse Geschwitz), Wolfgang Schöne (le Dr Schön), Richard Decker (Alwa), Franz Mazura (Schigolch), Gilles Ragon (le peintre/le nègre). | |
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