Tout se passe comme si le temps n'avait pas de prise sur la diva slovaque. Non seulement, elle reste très crédible en scène, mais sa performance occulte tout ce que peuvent faire les autres coloratures du moment. Ce jugement peut paraître excessif. Soit. Mais qui, aujourd'hui, peut maîtriser avec une telle aisance les vocalises du chef-d'oeuvre de Rossini ?
Il ne s'agit pas seulement d'un catalogue d'arpèges sans fin, de roulades acrobatiques et de notes suraiguës étincelantes (la diva vocalise jusqu'au contre fa avec une facilité confondante). Edita Gruberova fait plus. Elle met tout cela au service de la musique et du personnage.
Le résultat est incroyable. Sa Rosine est une jeune fille espiègle de 15 ans qui s'amuse comme une folle. Elle prend un malin plaisir à faire une série de pieds de nez à Bartolo, elle aime Almaviva et ne doute jamais pouvoir l'épouser.
On la comprend en partie, en partie seulement. Le conte, c'est un jeune ténor italien : Luigi Petroni. Il a le physique et l'âge du rôle, mais sur scène, il reste un peu emprunté. Pourtant, il maîtrise la partition avec une voix légère et agile. Mais le timbre manque sérieusement de séduction.
À l'opposé, Martin Gantner a du tempérament à revendre et un timbre généreux. Dès son premier air, il fait un tabac. Bartolo est souvent distribué à un baryton en fin de carrière, là ou le jeu compense les carences de la voix. Enric Serra ne répond pas à ce schéma : voix et abattage scénique vont de paire. Il incarne tour à tour un Bartolo, barbon, revêche, tendre, mais toujours bien chantant.
Les seconds rôles sont honnêtes, Basilio évite d'en faire des tonnes dans l'air de la calomnie. Berte joue à merveille de son physique (une servante acariâtre longue et sèche), mais la voix sert assez mal son unique aria.
L'orchestre est vif et séduisant, laissant la place à quelques belles interventions solistes dans l'ouverture. La mise en scène classique est assez efficace. Tous les personnages sont dessinés avec justesse et ce jusqu'au rôle muet du serviteur de Bartolo. Ferry Gruber est un Ambriogio vieillissant, tremblotant et enrhumé et surtout très drôle.
Le seul bémol vient des deux décors. Il y a d'abord la façade de la maison de Bartolo avec balcon et jalousie. Puis, un plateau tournant fait découvrir un interieur sommairement meublé.
Tout cela est classique et fonctionnerait bien si les matériaux n'avaient pas si mal vieilli. Mais à force d'avoir été montés et démontés tout semble fané et sali. Les années marqueraient-elles plus les décors que la Diva ?
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