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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Concert du cycle Berlioz de Mogador avec Roméo et Juliette.
Électrocardio-Graham affolé
D.R.
Roméo et Juliette est une partition d'une construction assez déroutante mais à laquelle Berlioz tenait beaucoup. De l'exécution la semaine dernière de cette " symphonie avec choeur " par l'Ensemble Orchestral de Paris sous la houlette de John Nelson, on retiendra d'abord la contribution de la mezzo Susan Graham.
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Pour Roméo et Juliette, le terme d'opéra ne risquait guère de tenter les exégètes car, hormis la péroraison finale confiée à Frère Laurent, il n'y a aucun personnage précis, seulement les interventions ponctuelles du contralto et du ténor, lesquels agissent plutôt comme des récitants ou des commentateurs lyriques.
Aux choeurs incombe la tâche d'exprimer avec vigueur la haine des Capulet et des Montaigu, mais c'est vraiment l'orchestre qui a la charge de raconter le drame et de figurer l'intériorité des sentiments.
C'est à la fois déroutant, car hors de nos références habituelles, et captivant, car l'orchestration berliozienne est géniale, jusque dans ses emportements les moins contrôlés et plus encore dans ses passages intériorisés où la rêverie vagabonde au gré des sonorités des cuivres, de la harpe et des bois.
Dans l'interprétation parfois un peu trop emportée et bruyante que l'Orchestre de Paris en a donnée sous la baguette pourtant experte de John Nelson, ce sont précisément ces cuivres et ces bois qui ont rappelé l'excellence de l'école française au plus haut niveau.
Finesse, sensibilité, musicalité, ils sont dignes de la palette des superlatifs ; sans compter le mélange détonant de simplicité et d'efficacité. Il est vrai que les musiciens français ont été élevés dans cette esthétique et ces couleurs instrumentales dès leur apprentissage, comme leurs collègues Outre-Rhin le sont avec Schubert ou Beethoven.
Grands moments de bonheur avec les interventions de Susan Graham. Beaucoup plus mezzo que contralto (comme l'exigerait la partition), cette superbe artiste n'en a pas moins flirté avec la perfection : clarté d'élocution, raffinement, maîtrise des nuances, et accord parfait avec le style berliozien. Une splendeur.
Avec une voix plus ingrate et en dépit d'un tempo d'enfer, le ténor Vinson Cole a ciselé le célèbre scherzo de la Reine Mab, auquel, sur son disque Berlioz chez EMI, Roberto Alagna donne tout de même une autre dimension.
Quant la basse Lazslo Polgar, en charge du long et redoutable monologue final de Frère Laurent qui est là pour donner une conclusion grandiose à l'ensemble, après un début encourageant, il eut quelques problèmes d'émission dans l'aigu qui gâtèrent une interprétation pourtant très généreuse.
Notons qu'il fut contraint sans doute de forcer ses moyens en raison des déchaînements excessifs de l'orchestre. Une réserve mineure dans un concert de bonne tenue dont on retiendra d'abord une apparition qui a complètement affolé les électrocardio-Graham.
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Théâtre Mogador, Paris Le 27/02/2003 Gérard MANNONI |
| Concert du cycle Berlioz de Mogador avec Roméo et Juliette. | Choeur de l'Orchestre de Paris
Les Cris de Paris
Orchestre de Paris
Direction : John Nelson
Avec Susan Graham, Vison Cole et Lazlo Polgar | |
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