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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d'Otello de Verdi à l'Opéra de Lyon sous la direction d'Ivan Fischer.
Un Otello Ă rendre jaloux
Après Le Chevalier à la Rose et Boris Godounov, l'Opéra de Lyon a misé sur un incontournable du « grand opéra » : l'Otello de Verdi. Force est de constater que cette nouvelle production du chef d'oeuvre de Verdi, regroupant tous les ingrédients pour faire une production de qualité, risque de faire bien des envieux.
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L'un des meilleurs atouts de la nouvelle production lyonnaise est une excellente mise en scène, d'une grande originalité. Michel Raskine a voulu rompre avec la tradition « grand spectacle » de l'oeuvre au profit d'une vision beaucoup plus intériorisée et intimiste, centrée davantage sur les affrontements des personnages. Otello apparaît comme ruiné d'avance, Iago comme un séducteur très classe au calme inquiétant et Desdémone n'est pas l'oie blanche si souvent dépeinte. Le drame surgit à nu, dans les décors argentés d'un Palais des Doges glacial.
L'effet de zoom quasi cinématographique du décor qui se déplace d'arrière en avant-scène recadre très habilement l'action sur les trois protagonistes. Le seul effet « grand spectacle » prend du coup un relief écrasant, quand à la fin du troisième acte s'écroule en même temps que le dernier accord de l'orchestre la structure du décor dans un fracas effrayant. On tient en outre un quatrième acte remarquable de sobriété et d'économie, avec des éclairages caravagesques et un fond de scène ouvert sur les coulisses du théâtre.
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Côté musique, saluons au premier chef l'excellence des choeurs préparés par Alan Woodbridge, qui se sont montrés dignes des plus grandes maisons d'opéra. Le chef anglais a réussi à leur faire atteindre un niveau optimal. Tout y est : précision, clarté de la diction, intonation parfaite, attaques et dynamiques millimétrées, technique en béton, jusqu'à un hallucinant contre-ut des sopranos à l'acte III. Le son est défini dès l'attaque, sans le voile opaque qui ternit tant de formations chorales.
Mais la palme revient à la direction d'Ivan Fischer qui ne s'est jamais montré aussi convaincant et génialement inspiré que dans cet Otello. A l'instar de Toscanini, son modèle avoué pour cette partition, Fischer donne une lecture d'un seul tenant, une boule de nerfs où tout tend vers la catastrophe finale, inéluctable. La réussite est totale. Le premier acte lancé en trombe ne connaît ni répit ni faiblesse, pas plus dans les scènes de foule que dans le duo d'amour. Le troisième acte, pourtant le plus difficile, restera le plus impressionnant, armé d'une énergie ravageuse portée par des cuivres incandescents dans la dernière scène.
L'orchestre, si souvent le point faible des productions lyonnaises, apparaît comme transfiguré. Les tutti sont remarquables de densité et de cohésion, les cordes se surpassent. Dans les passages solistes, comme la fin du premier acte, on se croirait presque à l'Opéra de Vienne, avec un solo de violoncelle admirable de finesse, de justesse et de mélancolie, rejoint quelques mesures plus loin par trois autres violoncelles de la même eau.
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Côté plateau, on évolue aussi dans les hauteurs, malgré une erreur de distribution : Otello. Andrei Lantsov, voix au beau timbre mais handicapée par une demi-teinte proprement hideuse, se perd dans un rôle écrasant, au moins deux fois trop large pour lui. La projection est constamment trop courte et le ténor turkmène termine le deuxième acte à bout, forcé d'octavier tous ses aigus. Un vrai massacre pour une fin de deuxième acte estropiée, malheureuse déconvenue que le public fera payer à Lantsov par de bien fâcheuses huées lors des saluts.
Sergueï Leiferkus, un habitué de Iago, est une évidence. Le timbre fielleux – le baryton russe est aussi l'un des meilleurs Rangoni – l'émission un rien acérée, la puissance de la voix sont ici très appropriés et l'incarnation scénique est toujours aussi exceptionnelle – formidable Credo.
La Desdémone d'Olga Guryakova appelle elle aussi des éloges. La voix est belle et homogène, avec une légère ombre sur le timbre qui rend le personnage plus pathétique encore. L'émission manque parfois d'accroche et l'italien s'en ressent – consonnes émoussées – mais l'aigu est remarquable et la demi-teinte bouleversante. La Chanson du saule et l'Ave Maria, aux sons filés pianissimo, féminins et fragiles, sont d'une poignante musicalité.
Les seconds rôles sont admirablement tenus, en particulier le Cassio bien chantant, jeune de timbre et très lumineux de Yann Beuron. Au final, cette belle production avait de quoi faire des jaloux, d'autant que la deuxième des représentations n'a pu avoir lieu suite à la grève générale des professionnels du spectacle.
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Opéra national, Lyon Le 27/02/2003 Yannick MILLON |
| Nouvelle production d'Otello de Verdi à l'Opéra de Lyon sous la direction d'Ivan Fischer. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Otello, drame lyrique en quatre actes (1887)
Livret d'Arrigo Boito d'après la pièce de Shakespeare
Orchestre, choeur & maîtrise de l'Opéra de Lyon
Direction : Ivan Fischer
Mise en scène : Michel Raskine
Décors et costumes : Pierre-André Weitz
Eclairages : Franck Thévenon
Préparation des choeurs : Alan Woodbridge
Préparation de la maîtrise : Laure Pouradier Duteil
Avec Andrei Lantsov (Otello), Olga Guryakova (Desdémone), Sergueï Leiferkus (Iago), Yann Beuron (Cassio), Carlo Cigni (Lodovico), Hélène Jossoud (Emilia), Bruno Comparetti (Roderigo), Marcin Habela (Montano), Paolo Stupenengo (un Hérault).
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