|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Il est rare d'entendre dans Eugène Onéguine un quatuor féminin d'une telle qualité. C'est important, car l'ouvrage commence par ce quatuor où les quatre femmes s'expriment tour à tour et ensemble, créant d'emblée le climat du spectacle. Presque trop jeune, la nourrice d'Irina Tchistiakova pourrait tenir n'importe quel premier rôle. On l'a d'ailleurs entendue à plusieurs reprise ici même de manière significative dans Guerre et Paix, dans Mavra et dans Boris Godounov. Grand luxe aussi pour Madame Larina, en la personne de l'illustre Miltcheva dont la voix a gardé de belles couleurs et une réelle homogénéité, ce qui n'est pas toujours le cas des artistes à qui l'on confie cette partie. Carmen et Dalila attitrée des grandes scènes lyriques, Marina Domachenko a non seulement une voix aussi musicale que belle de couleur, mais un physique de rêve pour incarner Olga. Elle avait déjà fait sensation sur cette scène en Pauline de La Dame de Pique. Quant à Olga Guriakova, ravissante, très sensible et habile comédienne, sa Tatiana est quasiment idéale à tous égards, avec un timbre expressif, ample, riche, comme l'avaient déjà constaté les spectateurs du Festival d'Aix-en-Provence. Signalons qu'on pourra l'entendre le 3 avril à I2h3O à l'Auditorium du Louvre dans un récital de mélodies russes.
| | |
Voix claire, bien en place, sensible, menée avec goût, Piotr Beczala incarne un Lenski bien touchant, jeune poète au destin tragique incontournable comme tant de héros de Tchaïkovski. Découverte avec le Grémine de Gleb Nikolsky, voix immense, sombre et dotée de graves impressionnants, juste un peu flottante dans certains aigus. Vladimir Chernov est un Onéguine honnête, sans grade envergure vocale ni scénique, mais d'une belle sincérité. Les choeurs menés par Peter Burian sont très présents et très actifs dramatiquement.
Au pupitre, Vladimir Jurowski qui avait dirigé plusieurs séries de Dame de Pique, séduit non seulement par le lyrisme généreux mais jamais larmoyant avec lequel il traite cette partition, mais aussi par son art de laisser respirer la musique en respectant des temps de silence. C'est devenu tellement rare que l'on ressent une sorte de bien être à ne pas être précipité d'un air sur l'autre, d'un choeur à un ensemble sans la moindre pause.
Il ne s'agit pas de ralentir l'action, mais juste de prendre son souffle, de laisser voguer son esprit une seconde ou deux, bref lapse de temps qui permet à notre sensibilité de s'élancer vers de nouvelles émotions.
| | |
|
Opéra Bastille, Paris Le 27/03/2003 Gérard MANNONI |
| Reprise d'Eugène Onéguine à l'Opéra Bastille. | Eugène Onéguine, opéra en trois actes de Piotr Ilitch Tchaikovski, sur un livret de Constantin Chilovsky d'après Pouchkine.
Vladimir Jurowski direction musicale
Willy Decker mise en scène
Wolfgang Gussmann décors
Avec Alessandrina Miltcheva (Madame Larina) – Olga Guryakova (Tatiana) – Marina Domachenko (Olga) – Irina Tchistiakova (Filipievna) – Vladimir Chernov (Eugène Onéguine) – Piotr Beczala (Lenski) – Gleb Nikolsky (Prince Grémine) – Michel Sénéchal (Monsieur Triquet) – Yuri Kissin (Zaretski) – Armando Noguera (Le lieutenant). | |
| |
| | |
|