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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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RĂ©cital de Philippe Jaroussky Ă l'Ă©glise des Billettes de Paris.
Raffinements baroques
La foule se pressait dans la petite église des Billettes. L'événement, c'était le concert que donnait Philippe Jaroussky à l'occasion de la sortie d'un premier disque-récital consacré au compositeur Benedetto Ferrari, objet précisément de cette soirée.
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Benedetto Ferrari reste encore un compositeur largement – et injustement – méconnu, son seul fait d'arme connu du grand public demeurant, mais rien n'est sûr, le célébrissime Pur ti miro, pur ti godo qui conclut le Couronnement de Poppée, oeuvre éminemment « collective », mais dont le grand Monteverdi assura clairement l'élaboration. A l'écoute des pièces choisies par Philippe Jaroussky et de leurs qualités, on se prend à rêver de ce que devait être cette période de bouillonnement musical.
Hasardons une hypothèse : nous tenons là , essentiellement une poésie amoureuse. Mais tellement alambiquée qu'elle doit bien dissimuler quelque chose. Si l'on se rappelle que, depuis la Renaissance et le retour à la grécité, l'homosexualité était plus qu'une mode un peu partout en Europe (songeons, par exemple, à la poésie élisabéthaine) : l'invraisemblable préciosité des textes, au-delà de l'art du concetto tant prisé en Italie, pouvait être une manière de se jouer de la censure
Côté musique, tout l'arsenal du premier baroque est présent. Le recitar cantando est évidemment omniprésent, mais la mélodie gagne une ampleur supplémentaire, soulignant et illustrant un texte dense, complexe, au point que les traducteurs s'y cassent les dents et que le chanteur lui-même avoue hésiter parfois sur la couleur à donner à tel ou tel vers.
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Manifestement un peu fatigué (son agenda commence à déborder), le jeune et prometteur contre-ténor possède désormais assez de maîtrise et de professionnalisme pour affronter sans péril l'emphase émotionnelle et rhétorique du grand arioso, forme affectionnée par Benedetto Ferrari. Sa virtuosité, déjà largement saluée dans Haendel (Philippe Jaroussky a fait impression dans Agrippina de Haendel sous la direction de Jean-Claude Malgoire) et Vivaldi, n'est jamais prise en défaut par cette musique intellectuelle, d'une extrême exigence, qui à aucun moment n'autorise le relâchement de la ligne de chant ni l'abandon mélodique. Mais ce qui frappe surtout, c'est cette intelligence de la phrase musicale, cette maîtrise du cantabile que Philippe Jaroussky déploie depuis ses tout débuts, alors que la clarté naturelle du timbre apporte son lot de lumière. Reconnaissons aussi que le riche continuo déployé par l'ensemble Artarserse et la complicité évidente qui lie chanteur et instrumentistes, participent efficacement au succès du concert.
Prometteur, assurément, et l'on attend avec impatience une autre apparition, au disque et sur scène, des mêmes musiciens.
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Eglise des Billettes, Paris Le 15/04/2003 Anne-BĂ©atrice MULLER |
| RĂ©cital de Philippe Jaroussky Ă l'Ă©glise des Billettes de Paris. | BENEDETTO FERRARI
Musiche varie a voce sola
Philippe Jaroussky, contre-ténor
Ensemble Artaserse
Christine Plubeau (viole de gambe), Claire Antonini (théorbe) Nanja Breedijk (harpe), Yoko Nakamura (clavecin & orgue) | |
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