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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Spectacle du Kronos Quartet au Théâtre de la Ville, Paris.
Les Kronos tombent en panne
Il est difficile d'admettre que pour son trentième anniversaire le Kronos Quartet se soit aventuré, sans raisons valables (à moins que trop faciles à déceler), dans un programme franchement peu convaincant, pour ne pas dire aussi pauvre, à quelques exceptions près. Et pourtant, ce fut le cas au Théâtre de la Ville de Paris.
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Donner à un public déjà acquis ce qu'il attend et vouloir en convertir un autre ne suffit pas. L'enchaînement non stop des pièces n'arrange rien, mais donne plutôt le sentiment troublant d'écouter une oeuvre unique, discontinue et cahotique en diable, d'où surgiraient des épisodes de hasard noyés dans un déluge d'images video violemment travaillées au computer. Cernés de toutes part, les musiciens se livrent à des déplacements entre ombre et lumière, avec la lenteur et la raideur de robots parfaitement programmés, ou reprennent la posture classique du quatuor pour tenter de dominer une matière sonore en perpétuelle fusion.
Avec « Visual Music » - explique David Harrington – nous avons essayé de plonger chaque morceau dans un décor, un environnement visuel à vivre et à respirer. Le concert entier est un voyage et nous espérons que le spectateur/auditeur aura la sensation d'évoluer dans une expérience multi-texturée de musique et de visuels. Nous utilisons des appareils qui deviennent des instruments musicaux – ce sont en fait des sculptures – c'est ainsi que le concert commence. Et depuis ce tout début, la question se pose : qu'est-ce que la musique et qu'est-ce qu'un instrument ? Dont acte.
Si le Pendulum de Steve Reich est un habile gadget, où l'on voit des micros suspendus à des sculptures métalliques se balancer en produisant des larsens chaque fois qu'ils frôlent la haut-parleur d'une enceinte acoustique au sol, la pièce de John Zorn, Tex Avery rencontre le marquis de Sade, est une suite féline faite de feulements, de miaulements rageurs, avec coups de grilles, gros dos et rares pattes de velours. Les cordes semblent s'adonner à une bacchanale sans fin, interrompue par la voix du journaliste americain I.F.Stone, dénonçant en 1983 dans une émission radiophonique la politique étrangère de son pays (déjà !). On retrouve quelques repères avec la belle et inquiétante musique écrite par Bernard Herrmann en 1951 pour le film de Robert Wise Le jour où la terre s'arrêta de tourner, tandis qu'un clip synchrone se contente de filmer les musiciens en répétitions.
Mais on ne pardonnera pas de sitôt aux Kronos le flot de décibels déferlant sur le génial Boogie Woogie de Colon Nancarrow, composé pour un piano mécanique défiguré, amplifié jusqu'au seuil de la douleur. On les verra en revanche, tels des extraterrestres, célébrants d'un étrange rituel, effleurer les sculptures sonores d'Harry Bertoia mêlées aux instruments live, pour en tirer des sonorités saisissantes inventées par Mark Grey. Une exception confirmée par une autre avec l'exécution du premier Quartetto per archi de Penderecki, face au déroulé sur grand écran de la partition : une mise à nu de la musique, d'une complexité affolante, qui met au défie les instrumentistes, décidément d'une virtuosité diabolique. Tétanisé, le public se reprend pour vivre le final rock-électrique-superplanant de l'adaptation du Sauveur des mouches, un standard du groupe islandais Sigur Ros.
En résumé, une soirée en forme de zapping futuriste pour un anniversaire vraiment très (ou trop) tendance.
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Théâtre de la Ville, Paris Le 06/05/2003 Françoise MALETTRA |
| Spectacle du Kronos Quartet au Théâtre de la Ville, Paris. | KRONOS QUARTET
(David Harrington : violon, John Sherba : violon, Hank Dutt : alto, Jennifer Culp : violoncelle)
Décor et lumières : Alexander Nichols
Son : Marc Grey
« VISUAL MUSIC »
STEVE REICH Pendulum Music
JOHN ZORN Cat O' Nine Tails (Tex Avery rencontre le Marquis de Sade)
SCOTT JOHNSON Three Movements from How it Happens (The Voice of I.F.Stone)
MARK GREY Bertoia I
BERNARD HERRMANN The Day the Earth Stood Still (arrangement Stephen Prutsman)
CONLON NANCARROW Boogie Woogie #3A (réalisation by Trimpin)
KRZYSZTOF PENDERECKI Quartetto per archi
TERRY RILEY One Earth, One People, One Love from Sun Rings
MARK GREY Bertoia II
SIGUR ROS Le Sauveur des mouches (arrangement de Stephen Prustman, d'après The Fly Freer) | |
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