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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Dès la Toccata de la Partita n°6 en mi mineur BWV 830 de Bach, le charme opère. C'est d'abord une question de toucher. Impassible, sans contorsions du visage ni du corps, le pianiste éveille des sons miraculeux, sans chercher à imiter le clavecin ni l'orgue, mais avec juste ce qu'il faut de couleur pour que la musique parle, vive, dans une démarche parfaitement naturelle. Le caractère spécifique de chaque mouvement est respecté et pourtant tout semble nouveau, personnel, une fois encore d'une évidence insoupçonnée. Ce n'est pas du Bach à la baroque ni à la classique ni à la romantique. C'est Bach.
Avec la Sonate n°30 en mi majeur op.109 de Beethoven, le toucher - toujours lui - a changé. C'est très subtil mais bien sensible, avec un engagement différent, un son plus charnu, un autre poids de la main au fond des touches, un phrasé au dessin un peu plus libre. Elle n'est pas facile, cette sonate, avec ce troisième mouvement Andante molto cantabile ed espressivo que Perahia fait effectivement avancer dans le bon tempo jusqu'à sa douce extinction finale. Le public ne s'y trompe pas, qui ovationne, ce qui est rare à la fin d'un morceau s'achevant pianissimo.
En deuxième partie, la Sonate en ut mineur D. 958 trouve elle aussi d'emblée les chemins de ce bouillonnement intérieur à la fois lyrique et pudique des oeuvres pour piano de Schubert. Murmure ou grondement rentré, foisonnement du chant qui coule comme un torrent, le toucher trouve la vraie fluidité des notes, de leurs accents, nous menant sur les chemins de cette ultime parcours de Schubert, fait de tristesse et de joie aussi résignées et aussi bouleversantes l'une que l'autre.
Si les termes n'étaient si galvaudés, on serait tenté de parler de musique « à l'état pur » pour un récital comme celui-ci. Le public parisien qui emplissait totalement le Châtelet, parfois si étrange dans ses réactions ou ses comportements à contre-temps, a fait un immense succès à ce concert, comme pour bien marquer que le piano c'est aussi et d'abord cela, avant tout.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 10/06/2003 Gérard MANNONI |
| Récital de Murray Perahia au Théâtre du Châtelet, Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Toccata de la Partita n°6 en mi mineur, BWN 830
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate n°30 en mi majeur, op.109
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate en ut mineur D.958
Murray Perahia, piano
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