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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Tristan und Isolde à l'Opéra du Rhin
Tristan désenchanté
Quand un chef et un metteur en scène se désaccordent de conserve pour trahir un chef-d'oeuvre, la déroute est facilement à la hauteur de leurs forces additionnées. Le désenchantement est accompli lorsque l'un et l'autre réussissent à empêcher les chanteurs de s'exprimer. Tous, sauf Heikki Siukola qui campe un Tristan poignant.
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Opéra du Rhin, Strasbourg
Le 12/02/2000
Antoine Livio (1931-2001)
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" Les chefs-d'oeuvre sont faits pour être violés " clamait jadis un grand metteur en scène. Mais violer exige une vraie puissance, pour saisir totalement l'oeuvre et la dominer. Il faut enfin une entente entre le chef et le metteur en scène. Ce ne fut pas le cas à Strasbourg, dont le " Tristan " est fort attristant, malgré les excellents Tom Fox et Anthony Marber. En effet trois décors fort différents perturbent le spectateur, à coups d'éléments surajoutés qui se veulent des symboles évocateurs : des branches cassées peintes en blanc (I), un champ de blé mûr mais, curieux rapprochement, devant des sapins enneigés (II) et un assemblage de formes géométriques créant un rocher sauvage (III). Reprenons le livret de Wagner : " l'avant d'un navire " (I), " des jardins plantés de grands arbres " (II) et " les hautes murailles du château " (III). Il y a une logique dramaturgique dans le livret de Wagner que l'on ne retrouve pas dans les incohérences accumulées sur scène par Arlaud.
Parallèlement, le chef fractionne son discours musical, à croire qu'il veut casser la continuité mélodique. De plus, sa conception de l'oeuvre épuise les chanteurs. Tout se passe comme s'il avait un compte à régler, avec les dames surtout, car ni Nadine Secunde, dont on connaît l'immense talent de soprano lyrique, ni Hermine May dont le premier acte est superbe, ne peuvent aborder le deuxième en pleine possession de leurs moyens vocaux. Il y a enfin un art de diriger les accents pathétiques de Marke qui confère au chanteur, quel que soit son âge une noblesse et une maturité, pour ne pas dire un grand âge. Or Frode Olsen possède une belle voix grave, mais les tempi choisis l'empêchent de masquer, voire de grimer son jeune âge !
Seul demeure Heikki Siukola, un Tristan hors norme, dont le jeu poignant semble devoir inexorablement le conduire Ă cette double tentative de suicide. Progressant avec un grand art du chant et du jeu, il parvient au IIIe acte, oĂą il passe de la folie Ă la mort avec une puissance musicale et dramatique sans Ă©gale.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 12/02/2000 Antoine Livio (1931-2001) |
| Tristan und Isolde à l'Opéra du Rhin | Direction musicale : Jan Latham-Koenig
Mise en scène, décors et lumières : Philippe Arlaud
Choeurs de l'Opéra national du Rhin
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Avec Heikki Siukola (Tristan), Frode Olsen (König Marke), Nadine Secunde (Isolde), Tom Fox (Kurwenal), Anthony Marber (Melot), Hermine May (Brangäne), Declan Kelly (Ein Hirt), Vincent Karche (Seemann), Yves Ernst (Steuermann) | |
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