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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise du Tannhaüser de Philippe Arlaud et Christian Thielemann au festival de Bayreuth.
Bayreuth 2003 (1) :
L'argent ne fait pas le bonheur
A Bayreuth, on s'enorgueillit de présenter des mises en scène toujours bien rôdées ; mais cela ne garantit la qualité des représentations que si la production est valable. Ce n'est pas le cas du Tannhaüser de Philippe Arlaud, qui date seulement de l'an passé, mais que l'on verrait déjà bien quitter l'affiche.
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Le seul intérêt de cette production de Tannhaüser réside dans la direction exemplaire de Christian Thielemann, aujourd'hui le plus incontestable chef en activité à Bayreuth. Après une ouverture qui déçoit par des cuivres éteints, le chef allemand triomphe dans un ouvrage qui n'a aucun secret pour lui. La narration est captivante, les sonorités de l'orchestre séduisantes – extraordinaire travail sur les bois. Dans des tempi modérés mais toujours habités, Thielemann trouve une unité organique qui passe la barrière des actes, dans une lecture d'une parfaite cohérence. La nouvelle coqueluche de Bayreuth se partagera la vedette à l'applaudimètre avec Eberhard Friedrich, dont les choeurs à la puissance illimitée engendrent un final mémorable.
En revanche, dès qu'il s'agit de lever les yeux sur scène, la pilule est difficile à avaler. L'univers visuel proposé par le metteur en scène français Philippe Arlaud est du dernier kitsch, ses idées sommaires, sa mise en scène schématique. Le rideau se lève sur un Vénusberg géométrique aux couleurs tapageuses, et présente une Vénus avachie, ennuyée, qui délaisse Tannhaüser pour la chorégraphie ridicule des trois grâces. Lorsque le héros retrouve les campagnes qu'il a tant désirées, on a droit à un champ constellé d'œillets rouges du plus mauvais goût, dignes de l'imagerie naïve de Pierre & Gilles, mais au premier degré. Le décor en son entier – constitué de trois arches tapissées d'herbe au plafond comme au sol – semble représenter un œil, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'il s'agit d'un organe féminin situé nettement plus bas. Pourquoi pas ? Après tout, Tannhaüser nous parle de désir et de sexe. Quoi qu'il en soit, le décorateur français ne s'arrête pas en si bon chemin : les Minnesänger portent des costumes de Robin des Bois et chassent la biche et l'oie.
Le deuxième acte, en contraste, s'avère nettement plus traditionnel, avec sa salle circulaire. Son originalité réside dans le traitement du rôle de Wolfram, qui épie ici tout ce qui se passe sur scène en rôdant dans le noir, et dont le physique étrange et la silhouette de profil évoquent souvent le Nosferatu de Werner Herzog. Le tournoi de chant voit s'accumuler les lieux communs – gestuelle stéréotypée des choristes, épées brandies à tout va, mise en relief de détails insignifiants. Chez Arlaud, Elisabeth est un véritable paillasson, ébahie dès qu'un des Minnesänger ouvre la bouche, et Tannhaüser est d'une rare maladresse en scène, jamais en phase avec les états psychologiques qu'il est censé traverser.
Le troisième acte reprend le décor de la prairie aux œillets, cette fois comme brûlée par le soleil. L'immobilité générale, l'absence de direction d'acteurs, les inepties – Elisabeth qui, presque hystérique, passe en revue les pénitents en les toisant des pieds à la tête pour reconnaître Tannhaüser – s'avèrent pénibles. Le seul vrai beau moment est la mort d'Elisabeth, qui rentre à pas lents dans « l'œil » éclairé d'un magnifique bleu nuit, comme si elle retournait dans le sein maternel. Reste que scéniquement, ce Tannhaüser est un échec cuisant.
Si encore il suffisait de fermer les yeux pour profiter de la soirée. Mais ce n'est pas le cas, le plateau étant complètement sinistré. N'en surnagent que l'exemplaire Walther de Clemens Bieber et le Biterolf de John Wegner. Le reste de la distribution oscille entre le moyen – l'Elisabeth médiocre de Ricarda Merbeth, au timbre peu séduisant, plus à l'aise dans la prière au III que dans l'air au II, le Wolfram musicien mais bien court de projection et nasal de Roman Trekel – et l'indigent : la Vénus hululante et défaite de Barbara Schneider-Hofstetter, et le Tannhaüser de Glenn Winslade, au timbre ingrat, au vibrato grand-huit, à l'intonation trop basse et à l'endurance insuffisante. Quant au Landgrave de Kwangchul Youn, il est regrettable qu'il avale sa belle voix naturelle de baryton pour « faire basse ».
A l'heure des comptes, bien maigre bilan pour ce Tannhaüser sans vraie mise en scène et mal chanté. Quand on sait que la production a vu le jour uniquement grâce à la prodigalité du milliardaire et mélomane américain Alberto Vilar, on se dit que décidément, l'argent ne fait pas le bonheur.
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Festspielhaus, Bayreuth Le 14/08/2003 Yannick MILLON |
| Reprise du Tannhaüser de Philippe Arlaud et Christian Thielemann au festival de Bayreuth. | Richard Wagner (1813-1883)
Tannhaüser et le tournoi de chanteur à la Wartburg, opéra romantique en trois actes
Livret du compositeur
Choeur et Orchestre du Festival de Bayreuth
direction : Christian Thielemann
mise en scène : Philippe Arlaud
décors : Philippe Arlaud
costumes : Carin Bartels
préparation du choeur : Eberhard Friedrich
Avec :
Kwangchul Youn (Hermann, Landgrave de Thuringe), Glenn Winslade (Tannhaüser), Roman Trekel (Wolfram von Eschenbach), Clemens Bieber (Walther von der Vogelweide), John Wegner (Biterolf), Arnold Bezuyen (Heinrich der Schreiber), Alexander Marco-Buhrmester (Reinmar von Zweter), Ricarda Merbeth (Elisabeth), Barbara Schneider-Hofstetter (Venus), Inga-Britt Andersson (un jeune pâtre). | |
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