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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Reprise du Don Giovanni de Mozart mis en scène par Martin Kusej, sous la direction de Nikolaus Harnoncourt au festival de Salzbourg 2003.

Salzbourg 2003 (1) :
Mystère et boule de neige

© Hans Jörg Michel

Anna Netrebko (Donna Anna)

L'an passé, le festival de Salzbourg s'était ouvert sur une production qui avait fait couler beaucoup d'encre, le Don Giovanni de Martin Kusej et Nikolaus Harnoncourt. Un an plus tard, la reprise de ce spectacle bénéficie d'une distribution moins homogène et confirme les mystères d'une mise en scène on ne peut plus ouverte.
 

GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
Le 23/08/2003
Thomas COUBRONNE
 



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  • Dans ce Don Giovanni Ă´ combien controversĂ©, la distribution aligne toujours les grandes pointures de l'an passĂ©, exception faite de Michael Schade et Magdalena Kozena, respectivement remplacĂ©s par Christoph Strehl et Isabel Bayrakdarian. Peut-ĂŞtre une distribution plus modeste mais plus homogène prĂ©senterait moins de failles.

    Côté hommes, tout d'abord, l'omniprésent Thomas Hampson souffre cruellement de la comparaison avec ses partenaires : son grave inexistant n'est en rien racheté par un aigu sans vaillance et un médium façon Fischer-Dieskau du pauvre, avec une propension au Sprechgesang dès qu'il s'agit d'avoir du panache. On en vient à se demander comment Hampson peut chanter le répertoire verdien, car il n'a manifestement pas le format pour Don Giovanni – un Fin ch'han dal vino d'une rare laideur. Il ne parvient d'ailleurs guère à imiter son valet, Ildebrando D'Arcangelo, qui n'a en revanche qu'à assourdir son magnifique timbre latin pour simuler un Hampson plus vrai que nature.

    Idem du beau Masetto de Luca Pisaroni, pour une fois de quelque consistance et d'une présence moins artificielle que le séducteur de ces dames. L'Ottavio juvénile de Christoph Strehl fait de bien jolies choses, sans atteindre les sommets de Schade l'an dernier, mais la voix est claire et la musicalité fine. Quant au Commandeur de Kurt Moll, il vit sur les vestiges d'une voix qui paraissait encore grande l'an passé, mais qui s'avère ici bien défaite.

    Les dames seraient enthousiasmantes si on ne les entendait que séparément : l'étoile montante de Deutsche Grammophon, l'icône la plus envahissante de cette année à Salzbourg, Anna Netrebko, triomphe devant un public conquis d'avance, avec sa très jolie voix, sa présence musicale et sa sensualité scénique. Par malheur, pour peu que Melanie Diener ouvre la bouche, l'émission de Netrebko apparaît par contraste complètement avalée et grossie. Il faut espérer que son beau potentiel ne sera pas gâché par une avidité de rôles trop lourds pour une voix saine et belle à la technique encore un peu jeune.

    L'Elvira de Diener est tout simplement épatante : noble, belle, drôle aussi quand il le faut, et la voix est charnue à plaisir, même si le legato n'est pas toujours impeccable. Isabel Bayrakdarian est une jolie Zerlina, avec juste un rien d'acidité dans le médium.

    Dans la fosse, on fourmille toujours d'idées, de subtilités. Harnoncourt, très attentif à ses chanteurs, ne couvre jamais le plateau, et son dosage savant des masses orchestrales donne une pâte sonore fluide, transparente et dynamique. On retrouve encore les articulations chères au chef baroque, car il l'est assurément toujours, en dépit d'une certaine lenteur et du recours permanent à un rubato prononcé sur les sommets de phrases des chanteurs, ainsi qu'à des deux-en-deux systématiquement marcato, articulés et ralentis. Les récitatifs sont toujours aussi nus, avec le continuo squelettique choisi par le chef autrichien : tout sonne pour ainsi dire a cappella.

    Reste la mise en scène, toujours aussi problématique, même si on entrevoit à peine mieux les intentions de Kusej en revoyant le spectacle. On nous dit que c'est érotique, que les femmes sont des objets sexuels, on voit que les Palmersmädchen sont de méchantes filles qui embêtent Zerlina et qui amènent le Commandeur chez Don Giovanni, avec un effet pas très heureux à mi-chemin entre David Copperfield et le Crazy Horse. On voit qu'Anna, véritable chatte en chaleur, retient son agresseur avec plus de fougue sexuelle que de fureur pudibonde, que Leporello achève son maître avec lequel il a par ailleurs des rapports ambigus ; mais tout cela ne fonctionne pas.

    À force de partir dans toutes les directions, de donner trop de pistes, la mise en scène ne dit rien, car la vision de Kusej – si tant est qu'il y en ait une – ne dégage que des hypothèses et aucune lecture d'ensemble. La fin ne répond à aucune des mille questions que se pose le spectateur. C'est assez dire que la dramaturgie, toute provocatrice et moderne qu'elle se réclame, ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes. Qu'on se rassure pourtant : tout finit bien, et c'est de justesse qu'on échappe à une exquise bataille de boules de neige entre Zerlina et Elvira.




    GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
    Le 23/08/2003
    Thomas COUBRONNE

    Reprise du Don Giovanni de Mozart mis en scène par Martin Kusej, sous la direction de Nikolaus Harnoncourt au festival de Salzbourg 2003.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Don Giovanni, dramma giocoso en deux actes KV 527
    Livret de Lorenzo Da Ponte

    Association de concert du Choeur de l'Opéra de Vienne
    Orchestre philharmonique de Vienne
    direction : Nikolaus Harnoncourt
    mise en scène : Martin Kusej
    décors : Martin Zehetgruber
    costumes : Heide Kastler
    Ă©clairages : Reinhard Traub
    préparation du choeur : Rupert Huber
    musique de scène : Orchestre du Mozarteum de Salzbourg

    Avec :
    Thomas Hampson (Don Giovanni), Ildebrando d'Arcangelo (Leporello), Melanie Diener (Donna Elvira), Anna Netrebko (Donna Anna), Christoph Strehl (Don Ottavio), Isabel Bayrakdarian (Zerlina), Luca Pisaroni (Masetto), Kurt Moll (le Commandeur).

     


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