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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de la Filarmonica della Scala sous la direction de Riccardo Muti au Théâtre du Châtelet, Paris.
Tant qu'il y aura Muti
La communauté italienne de Paris était venue en rangs serrés au Théâtre du Châtelet pour soutenir une de ses idoles qui dirigeait ce soir-là une formation trop rarement accueillie par la France au cours de ces dernières années si l'on considère son niveau d'excellence, la Filarmonica della Scala.
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Fondée par Claudio Abbado en 1983, prise en main par Riccardo Muti depuis 1987, la Filarmonica della Scala fonctionne sur le modèle de la Philharmonie de Vienne dont elle s'est largement inspirée : une institution autonome qui élit son président en interne et tire ses revenus des concerts et de l'apport de financements privés. Sa composition se fait selon un dosage savant entre les membres de l'Orchestre de la Scala de Milan et de jeunes musiciens recrutés sur auditions par Riccardo Muti en fonction des nécessités du répertoire, et appelés, après une année de pratique, à rejoindre leurs aînés lorsqu'il y a vacance de pupitres.
Aujourd'hui, l'orchestre se situe à un point de qualité exceptionnelle qui a laissé la public littéralement ébloui. Il est évident qu'un tel travail de raffinement du son à l'extrême, de flexibilité du jeu et d'homogénéité de l'ensemble est l'oeuvre d'une volonté et d'un engagement hors du commun de la part d'un chef. Quant au programme de la soirée, il était un véritable manifeste de la politique musicale déterminée dès le départ par Muti : se concentrer sur la musique du XIXe siècle et développer la création contemporaine.
Composition d'après le 11 septembre
A preuve, Diario del sdegno de Fabio Vecchi (commande de la Filarmonica), première oeuvre d'un compositeur italien vivant donnée en tournée par l'orchestre. On est tenté de dire qu'il s'agit d'une partition écrite sur mesure, tant chaque instrument a son mot à dire, tant chaque groupe tend à montrer sa solidarité avec les autres. Composé après l'attentat de New-York du 11 septembre, il se présente comme le « journal de l'indignation » d'un musicien qui refuse depuis toujours e considérer la musique comme un objet « à concevoir », mais à « percevoir », loin de toute d'abstraction.
Et il s'explique : «Il faut nous réveiller, recommencer à s'indigner, ne plus accepter les pièges de l'horreur qui s'abattent sur nous, et c'est pourquoi j'ai voulu donner ici une expression artistique à l'espérance, envers et contre tout ». Et c'est bien la rage de survivre et l'énergie pour y parvenir, succédant à la pulsion mortelle de l'attentat, qui inspire l'oeuvre entière et en fait sa dualité. A la violence des percussions s'oppose le lyrisme frémissant des cordes, organisées autour d'un certains nombre de petites cellules chromatiques qui entrent en vibration simultanément ou affirment obstinément leur indépendance, créant une atmosphère à la fois troublante et lumineuse.
Le choix du ballet du troisième acte de Macbeth de Verdi (ajouté à l'opéra dix-huit ans après sa création en 1847), n'était pas, là encore, le fruit du hasard, dans la mesure où il fait triompher non seulement la virtuosité des musiciens, mais aussi cette musicalité et cette souplesse particulière acquises dans la fosse de la Scala, aussi bien à l'écoute intuitive des chanteurs qu'aux exigences de la danse. Du vol des esprits aux visons de Macbeth, de la bacchanale infernale des sorcières à l'éloquence des violoncelles accompagnant les sortilèges de la déesse de la nuit, un morceau d'anthologie.
Retenue dans l'élan romantique
En seconde partie, Muti a réussi à exprimer dans la Deuxième Symphonie de Brahms tout ce que l'élan romantique peut avoir de retenu dans l'effusion : les thèmes surgissent, varient à l'infini, s'évanouissent pour renaître sous d'autres masques dans un mouvement d'une fluidité miraculeuse. Brahms prétendait n'avoir jamais écrit une symphonie au caractère expressif aussi atténué. Et c'est pourtant bien d'expression dont il s'agit ici, dans la douceur intense du mouvement lent, le climat clairement bucolique de l'allegretto, ou l'expansion soudaine du final, comme un accord enfin consenti avec une forme de bonheur possible.
A l'enthousiasme du public, il fallait répondre par un bis. Ce fut le Notturno de Giuseppe Martucci, un moment de grâce habité par le mystère d'une très tendre musique de nuit. Cette soirée était bien celle de l'éclatante mise en beauté d'un orchestre, au service d'un répertoire où il est sommé d'exceller.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 17/10/2003 Françoise MALETTRA |
| Concert de la Filarmonica della Scala sous la direction de Riccardo Muti au Théâtre du Châtelet, Paris. | Fabio Vacchi (*1949)
Diario dello sdegno (2001-2002)
(création française)
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Danses extraites de Macbeth (1865)
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie n°2 en ré majeur, Op.73 (1877)
Filarmonica della Scala
direction : Riccardo Muti | |
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