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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Cosi fan tutte au Grand Théâtre de Genève
Mozart à taille humaine
Production du Vlaamse Opera d'Anvers, le Cosi fan Tutte donné en février dernier à Genève fut une réussite accomplie. Un de ces Cosi précieux, à ranger aux côtés de la subtile et poétique production maintes fois reprise de Günther Rennert (avec rien moins Schwarzkopf, Ludwig, Sciutti, Prey, Kmentt et Dönch de 1960 à 1965 et Janowitz, Fassbäender, Grist, Prey, Schreier, Fischer-Dieskau de 1972 à 1977 !).
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Grand Théâtre, Genève
Le 11/01/2000
Antoine Livio (1931-2001)
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Un seul décor campe le hall d'entrée d'un palace napolitain, dont l'immense baie vitrée donne sur l'Etna, avec un escalier majestueux, ici un bar et là un coin salon. Après l'entracte, le décor sera simplement inversé, dès l'instant où les jeunes femmes acceptent le marivaudage. Car il s'agit bien de celà , un délicat pastiche d'une Surprise de l'Amour, comme Marivaux aimait à appeler certaines de ses comédies douces-amères. Tout se passe aujourd'hui, peut-être hier car les costumes sentent un rien la province, le bon goût à peine démodé. Il n'y a pour une fois aucun hiatus entre le texte de Da Ponte et son interprétation, cette relecture signée Guy Joosten. Une seule ombre au tableau : le final, où l'amertume qui transpire des retrouvailles, une fois les masques jetés, ne colle pas avec ce qui est chanté par le sextuor :
"Heureux celui qui prend
toute chose du bon côté
et dans les revers de fortune et les mésaventures
se laisse guider par la raison.
Ce qui fait généralement pleurer autrui
est pour lui une occasion de rire
et au milieu des tourments du monde
il trouvera la sérénité."
(traduction Pierre Malbos - Avant-Scène)
Si j'évoque cette minuscule maldonne, aisément repérable, c'est parce que l'interprétation musicale ignore tout bémol. Chaque rôle est tenu par qui semble avoir inspiré Mozart. La santé lumineuse de Marie-Ange Todorovitch alliée à la beauté rayonnante de sa voix font de cette Dorabella un personnage inoubliable. On a l'impression, pour la première fois, que c'est elle qui mène le jeu. En fait, chacune et chacun mènent le jeu dans cette mise en scène et c'est pourquoi elle est si accomplie, mais elle l'est davantage encore parce qu'elle permet à tous les chanteurs de s'exprimer au meilleur de leur forme. Fionnuala McCarthy est une Fiordiligi modeste en son rayonnement vocal, car tout paraît aisé à cette belle et irrésistible blonde. Mais c'est une fois de plus Jeannette Fischer à qui revient la palme du sourire mélodieux. Elle campe en effet une Despina drôle, comique et jamais ridicule dans ses travestissements. Les hommes sont de la même qualité, Rainer Trost est le comédien le plus mozartien qui soit, Mariusz Kwiecien un Guglielmo de rêve et peut-être Pietro Spagnoli un Alfonsito un peu jeune, mais il chante si bien.
Cette perfection de l'interprétation musicale est le travail de Philippe Jordan. Bon sang ne saurait mentir : ce très jeune chef est le fils et fut l'assistant d'Armin Jordan, le chef mozartien aujourd'hui le plus subtil et le plus étonnant de perspicacité. Philippe Jordan a vingt-six ans : il dirige Mozart comme s'il le respirait. C'est beau, dramatiquement exceptionnel de finesse, de justesse et ça chante comme Mozart devrait toujours chanter !
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Grand Théâtre, Genève Le 11/01/2000 Antoine Livio (1931-2001) |
| Cosi fan tutte au Grand Théâtre de Genève | Direction musicale et clavecin : Philippe Jordan
Mise en scène : Guy Joosten
Décors : Johannes Leiacker
Costumes : Karin Seydtle
Avec Fionnuala McCarthy (Fiordiligi), Marie-Ange Todorovitch (Dorabella), Jeannette Fischer (Despina), Rainer Trost (Ferrando), Mariusz Kwiecien (Guglielmo), Pietro Spagnoli (Don Alfonso) | |
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