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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Deuxième partie de l'intégrale pour piano à 4 mains de Schubert par Christian Ivaldi et Jean-Claude Pennetier à la Salle Cortot, Paris.
Tranche de vie
Le duo à 4 mains Ivaldi-Pennetier
« Voulais-je chanter l'amour, cela m'entraînait à la douleur ; voulais-je chanter la douleur, cela me menait à l'amour ». C'est ainsi que s'exprimait Schubert en 1822. Cette dualité, ces paradoxes émotionnels sont omniprésents dans le programme proposé par Christian Ivaldi et Jean-Claude Pennetier pour la deuxième partie de l'intégrale du piano à 4 mains du compositeur à la Salle Gaveau.
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Impatience dans la salle pleine. Les sièges attendent à l'oblique devant le piano. Et enfin, comme encore plus impatients que nous, les artistes bondissent presque sur scène et s'installent : Christian Ivaldi aux graves et Jean-Claude Pennetier aux aigus pour la Fantaisie en sol majeur.
Les voilà joyeusement embarqués dans la très grande vivacité d'une oeuvre narrative, riche en contrastes, du jeune Franz, encore très proche de Mozart, voire de Bach en sa partie centrale. L'extrême aisance des pianistes se manifeste d'emblée et fait complètement oublier les redoutables difficultés techniques de la partition, pourtant aujourd'hui classée comme premier numéro du catalogue Deutsche du compositeur viennois. Les images défilent, tel un film muet né de la musique et non l'inverse pour une fois. L'épisode conclusif nous ramène même en enfance avec l'impression de jouer, de courir, de conter, ou se laisser conter fleurette. Une prestation absolument régénérante, véritable cure de jouvence pour l'auditeur.
Quel choc que les coups de tonnerre déclenchés le bouleversant Lebensstürme, qui résonnent dans le corps comme pour mieux faire prendre conscience du drame de la vie du compositeur : écrit à la fin de sa vie, il dit en musique ce que celle-ci fut pour lui. Comment ne pas penser à la Jeune fille et la Mort, au Roi des Aulnes, à la Wanderer Fantasie dans ces longues phrases que les pianistes déclinent avec pudeur et conviction de la première à la dernière note ? Presque anachronique ensuite s'enchaînent les élégants et presque fragiles Ländler, puis des Marches Caractéristiques espiègles et tendres à la fois.
Pennetier et Ivaldi échangent leur place respective pour la grande Ouverture en fa qui suit. Sombre, modulant sans cesse, c'est là peut-être un contenu d'ouverture d'opéra, genre que Schubert, qui s'y révèlait pourtant héroïque et combatif, n'a jamais vraiment su apprivoiser.Après l'entracte, les 3 polonaises semblent aussi chantées que jouées, avec leur spécificité rythmique toujours présente.
Suivent alors d'évidentes Variations sur un Thème original qui nous font une fois encore traverser toute la gamme des émotions humaines. Véritable symphonie pour ivoire, propre à déclencher l'admiration enthousiaste d'un Schumann, et ayant probablement contribué à quelques inspirations de Mendelssohn, l'oeuvre atteint souvent une dimension acrobatique. Pièce aux harmonies étranges et évidentes à la fois, variations tour à tour soumises et autoritaires au thème générateur, mais pianistique en diable, provoquant un regard complice et heureux chez les deux artistes sur le dernier accord.
Plus qu'un concert, c'est une tranche de vie que nous avons partagée.
Prochains concerts de l'intégrale:
Mercredi 14 janvier
Jeudi 19 février
Jeudi 4 mars
Reprise à la Roque d'Anthéron à l'été 2004
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Salle Cortot, Paris Le 12/12/2003 Eugénie ALECIAN |
| Deuxième partie de l'intégrale pour piano à 4 mains de Schubert par Christian Ivaldi et Jean-Claude Pennetier à la Salle Cortot, Paris. | Franz Schubert (1797-1828)
Fantaisie en sol majeur D.1 (1810)
Lebensstürme D.947 (1828)
Deux Ländler D.618 (1818)
Marches caractéristiques D.886/968
Ouverture en fa D.675 (1819)
Trois polonaises D.824 (1826)
Variations sur un thème original en la bémol majeur D.813 (1824)
Christian Ivaldi et Jean-Claude Pennetier, piano à 4 mains | |
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