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CRITIQUES DE CONCERTS |
24 novembre 2024 |
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Récital du pianiste Nikolaï Lugansky au Théâtre des Champs-Elysées, Paris.
La passion selon Lugansky
NikolaĂŻ Lugansky
On a souvent écrit et dit que le pianiste russe Nikolaï Lugansky est de ceux qui nous font redécouvrir les oeuvres les plus connues. Son récital au Théâtre des Champs-Élysées, tout triomphal qu'il fut, a néanmoins perturbé plus d'un auditeur, et à l'entracte, les controverses allaient bon train.
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Après une lecture absolument exemplaire, indiscutable, de la Sonate n°22 en fa majeur op. 54 de Beethoven, si inhabituelle dans sa forme et difficile à mettre en valeur, le jeune pianiste russe nous donne alors une version absolument fascinante mais hors des sentiers battus de l'Appassionata. Visiblement, pour Lugansky, la passion s'aborde avec prudence, sagesse, réflexion, pas à pas. Elle se mesure, se construit calmement malgré quelques poussées velléitaires vite contenues avant de se laisser aller à des débordement frénétiques, fulgurants, aussi brûlants qu'une coulée de lave en fusion.
Les notes déboulent alors à une vitesse vertigineuse, presque surhumaine, les accords s'amoncellent en orage tropical, sans pour autant que la clarté ne demeure absolue. Pianistiquement, cela tient du prodige. Alors, est-il trop intellectuel de nous faire attendre la deuxième partie du dernier mouvement de cette sonate pour justifier son nom ? Certainement pas si l'on se réfère à l'écriture beethovénienne sans se laisser trop vite emporter par l'émotion latente derrière les notes.
Tout le début de l'oeuvre est bien fait de contrastes savamment élaborés, mesurés, progressifs, dont il n'est nullement nécessaire de forcer le côté pathétique. La sonate Pathétique, justement, pose d'emblée, avec ses premiers accords un drame évident. On entre de plein pied dans la tragédie. Ici, tout est d'abord interrogation, hésitation, avancée prudente vers un monde de passion qui ne se libère qu'à la fin. Un peu comme dans la sonate au clair de lune aux humeurs d'abord si paisibles, mais qui s'achèvent en bouillonnants tumultes. Pour beaucoup d'auditeurs, l'Appassionata de Lugansky restera donc un fabuleux moment de musique et de piano, et une vraie redécouverte de l'oeuvre.
Après Huit études op. 8 de Scriabine bien plus rassurantes pour tout le monde, Lugansky attaque une 6e sonate de Prokofiev qui rallie cette fois tous les suffrages. Avec une lucidité déroutante, le jeune Russe révèle des rythmes et des structures fort compliqués dans toute leur vérité et leur beauté, avec, est-il besoin de le rappeler, une technique toujours aussi incroyable, mais qui ne donne jamais dans la force brutale, mais dans la puissance du Vivace final. Lugansky, bien que parfait exemple de l'école russe, ne rappelle ni un Richter ni un Kissin. Il aborde l'instrument plus en douceur, bon disciple en cela de la grande et regrettée Tatiana Nicolaïeva, encore plus prisée pour ses interprétations de Bach que du grand répertoire romantique.
Lugansky, Kissin, Volodos, la génération des trentenaires russes est décidément un cru d'exception.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 10/01/2004 Gérard MANNONI |
| Récital du pianiste Nikolaï Lugansky au Théâtre des Champs-Elysées, Paris. | Beethoven, Scriabine, Prokofiev
NikolaĂŻ Lugansky, piano | |
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