La manière dont Brigitte Engerer énonce le thème de la Sérénade de Schubert dans la transcription de Liszt est à l'image de tout ce récital. Vérité et simplicité, charme et profondeur, il suffit dès lors de se laisser porter dans l'univers de la Wanderer Fantaisie, dont les alternances de rêverie et d'accès de rage ou de désespoir n'ont jamais paru aussi authentiques.

La pianiste nous mène au coeur de ce monde schubertien à la fois si pudique et si lyrique, en sachant s'appuyer sur les fortes structures de l'oeuvre autant que sur la fluidité des sentiments qui la sous-tendent. Le toucher, on le savait, peut avoir autant de puissance que de délicatesse, mais jamais la moindre mièvrerie, qualités bien utiles pour souligner aussi toute la poésie de la Trauergondel de Liszt qui précède en deuxième partie deux Nocturnes et la Quatrième ballade de Chopin. Ici encore, tout est pensé et senti à la fois de manière rationnelle et parfaitement personnelle. Le phrasé a des dessins d'une finesse admirable sans jamais s'alanguir, la force n'est jamais agressive et le son garde une profondeur qui est l'un des secrets de cette grande pianiste.

En début de deuxième partie, Brigitte Engerer avait eu la très bonne idée d'inclure six pièces extraites de Musica Ricercata de Ligeti, oeuvres originales, d'humeurs et de couleurs très diverses qui révèlent des aspects moins connus de l'écriture du compositeur. La pianiste les a jouées avec beaucoup de goût, d'instinct et d'imagination, en faisant un des moments forts de ce très attachant récital sous le signe de l'authenticité.