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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise du Pelléas et Mélisande de Peter Stein à l'Opéra national de Lyon.
Pelléas victime du réchauffement
Patricia Petibon (Mélisande) et Tracey Welborn (Pelléas).
Anti-opéra, chef-d'oeuvre du symbolisme et du non-dit, Pelléas est toujours une gageure pour les théâtres lyriques. A l'Opéra de Lyon, la reprise de la mise en scène de Peter Stein, malgré une scénographie exemplaire et un chef inspiré, aura pâti d'une finition bien moyenne et d'une distribution inconsistante, pour une production qui sent le réchauffé.
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La plupart des lyricophiles paieraient cher pour voir la mythique mise en scène de Pelléas par Peter Stein. Et pourtant, le public de l'Opéra Nouvel, odieusement bruyant et visiblement cacochyme – les toux incessantes – rivalise de bavardages pendant les interludes, de commentaires incongrus et de ricanements. On en conclut que l'auditeur de 2004 n'est finalement pas plus prêt à entendre Pelléas que ne l'était celui de la création en 1902. Triste constat.
Reste que la mise en scène de Stein est une référence incontournable. Pessimiste et axée sur la fatalité qui pèse sur les protagonistes, pas absconse pour deux sous, elle laisse entrevoir d'emblée le funeste dénouement de l'intrigue, jouant la carte de la claustration et de la dégénérescence sans jamais délaisser pour autant les symboles cruciaux du livret. Les changements de décors, si problématiques dans Pelléas, sont ici génialement agencés, avec une ingéniosité et une efficacité qui sont d'un véritable homme de théâtre.
De même, la beauté suffocante des décors de Karl-Ernst Herrmann, leur impact visuel – la grotte – la beauté des éclairages nocturnes – effet de perspective et humidité mortifère des souterrains – magnifient la dimension poétique du texte de Maeterlinck et en soulignent le mystère, avant de laisser place à un cinquième acte plus dépouillé. Dommage dans une production aussi esthétiquement aboutie que le raffût de la machinerie lyonnaise brise parfois la magie du spectacle – ouverture du toit à la fin du dernier acte entre autres.
Dans la fosse, on fourmille d'idées, d'intelligence dramatique, grâce à la direction nerveuse et subtile du chef néerlandais Ed Spanjard, qui propulse en avant chaque formule rythmique et exalte chaque timbre avec une clarté toute française. A ce titre, le quatrième acte est humain et vibrant, captivant de tension et de vie, loin de toute alchimie sonore purement abstraite.
Quant à la distribution, elle est le maillon faible de cette reprise. Au niveau scénique d'abord, les chanteurs s'intègrent moins naturellement à la mise en scène que par le passé, probablement par manque de travail, entraînant quelques scories, dont la moindre n'est pas Geneviève manquant de s'affaler dans l'escalier en s'empêtrant dans sa traîne.
Au niveau vocal, on regrettera encore l'incapacité des maisons d'opéra à distribuer correctement l'ouvrage. Le Golaud de Paul Gay, haut de stature, plus belle voix de la soirée malgré un aigu tendu, est loin de toute incarnation ; la Mélisande de Patricia Petibon, au joli timbre, particulièrement dans un aigu facile, manque vraiment de voix dans le médium et sombre trop souvent dans la caricature de la gamine perdue, abusant de minauderies et d'enfantillages façon « fée des enfants » ; le Pelléas de l'Américain Tracey Welborn, malgré de belles intentions musicales, est vocalement inadéquat – timbre sans jeunesse, aigus serrés, format trop petit. On oubliera de même l'Arkel au timbre de Pimène mais à la justesse chaotique de Frode Olsen et la Geneviève complètement ruinée de Nadine Denize. Reste l'Yniold rafraîchissant du petit Rayane Boudjadi, de la maîtrise de Lyon, nous confortant dans l'idée que le rôle gagne à être chanté par un jeune garçon.
Bénéficier d'une production aussi emblématique était pour l'Opéra de Lyon un gage de qualité. Dommage que la reprise du spectacle n'ait pas bénéficié d'un plateau moins indigent et d'une plus grande attention dans la reconstitution scénique, car en l'occurrence et malgré d'évidents atouts, ce Pelléas sent vraiment le réchauffé.
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