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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre de Paris sous la direction de Christoph Eschenbach avec la participation du violoniste Christian Tetzlaff au théâtre Mogador, Paris.
L'esprit des trois Viennois
Concert entièrement consacré à la Seconde Ecole de Vienne par l'Orchestre de Paris et Christoph Eschenbach, avec une oeuvre de chacun des trois compositeurs phares Schoenberg, Berg et Webern. Et toujours le même succès du chef allemand dans son exploration de la Vienne des tournants des XIXe et XXe siècles.
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La soirée débute sous les cieux cléments du poème symphonique Im Sommerwind de Webern, oeuvre de jeunesse hors catalogue, encore tonale, sorte de Siegfried Idyll viennois dont Eschenbach sait traduire autant l'immobilité – introduction magique à la manière de l'Or du Rhin, avec une gestion parfaite des entrées et une intonation de synthétiseur – que les passages en Naturlaut très mahlériens, ou bien encore l'agitation d'une nature imprévisible. Mais le vrai miracle tient dans la réussite à donner à l'orchestre de Paris une véritable sonorité germanique, tant dans les couleurs des solos pastoraux que dans la chaleur cuivrée et brillante des cors. Un régal pour les papilles auditives.
Suit alors un des plus authentiques chefs-d'oeuvre de la Seconde Ecole de Vienne, le Concerto pour violon « à la mémoire d'un ange » de Berg, dernière oeuvre achevée du compositeur, inspirée par la mort de la jeune Manon, fille d'Alma Mahler et de l'architecte Walter Gropius, dans une interprétation enténébrée et épuisante que le jeune violoniste allemand Christian Tetzlaff donne de mémoire, preuve si besoin était que pour cette génération d'interprètes, Berg est maintenant un compositeur de répertoire, un « classique ».
Tetzlaff comme Eschenbach empoignent l'oeuvre à bras le corps et en traduisent l'immense pessimisme, notamment dans un deuxième mouvement propulsé d'une traite, avec une noirceur indélébile et terrifiante – le début de l'Allegro, aux cuivres enténébrés, à la percussion impitoyable – pour poursuivre avec la sonorité décantée du choral de Bach, inséré sans hiatus ou effet de patchwork. Le violoniste allemand, par un contrôle absolu d'une dynamique résistant aux assauts de l'orchestre, fait étal de sa maîtrise du discours bergien, empreignant l'angoisse d'une mort approchante, une forme de morbidité, tout en parvenant à restituer à la lettre l'agogique si mouvante et précise de l'auteur de Lulu et à doser à merveille un vibrato rendu à sa fonction première d'ornement expressif.
En deuxième partie, un mastodonte du répertoire viennois : le poème symphonique Pelléas et Mélisande de Schoenberg. Œuvre un rien longue, outrée et touffue, dont le geste d'Eschenbach, puissamment charpenté, ne clarifie pas toujours la polyphonie, mais distille du moins un climat nocturne moite et pesant, complètement tourné vers le postromantisme, bénéficiant d'un tapis de cordes saisissant, chauffé à blanc, dont la densité de son, l'assise grave et la franchise des attaques sont une denrée rare chez un orchestre français. De surcroît, pas l'ombre d'une baisse de régime en quarante-cinq minutes d'une lecture jamais éparpillée.
La culture germanique et la connaissance intime du répertoire viennois d'Eschenbach portent leurs fruits dans un orchestre qui semblait si mal en point à l'ère Bychkov. Le chef allemand, habité au plus profond par cette musique dont il possède chaque fibre – l'intuition dans l'agogique –, a su inculquer à l'Orchestre de Paris l'intensité – affrontement des masses sonores –, les modes de jeu essentiels à cette musique, ressentis jusque dans l'engagement physique des musiciens – une mort de Pelléas absolument effarante.
Loin de l'image qui a trop collé aux orchestres français, souvent à raison d'ailleurs, de fonctionnaires musiciens confortablement installés au fond de leur siège, l'Orchestre de Paris a acquis en quelques années des réflexes, un engagement et une culture de son authentiquement germaniques dans ce répertoire. De quoi pénétrer au plus profond de l'esprit des trois Viennois.
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Théâtre Mogador, Paris Le 17/03/2004 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre de Paris sous la direction de Christoph Eschenbach avec la participation du violoniste Christian Tetzlaff au théâtre Mogador, Paris. | Anton Webern (1883-1945)
Im Sommerwind, idylle pour grand orchestre (1904)
Alban Berg (1885-1935)
Concerto pour violon et orchestre, « à la mémoire d'un ange » (1935)
Christian Tetzlaff, violon
Arnold Schoenberg (1874-1951)
Pelléas et Mélisande, poème symphonique op. 5 (1903)
Orchestre de Paris
direction : Christoph Eschenbach | |
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