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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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4e symphonie de Mahler par l'Orchestre de Paris sous la direction de Christoph Eschenbach au Théâtre Mogador, Paris.
Piégé par l'agogique mahlérienne
Drôle de concert de l'Orchestre de Paris en hommage à Giulini, à l'occasion de ses 90 ans. Eschenbach a bien du mal à convaincre dans un Stabat Mater de Szymanowski excessivement noir, et alors qu'il n'avait fait qu'une bouchée de la monumentale 3e symphonie de Mahler il y a deux mois, il se prend les pieds dans les multiples pièges agogiques de la plus modeste 4e.
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Dans le Stabat Mater de Szymanowski, Eschenbach se cantonne dans une lecture à la noirceur excessive. Très exaltée, sa vision du chef-d'oeuvre du compositeur polonais, trop théâtrale, en ignore l'ascétisme des déplorations quasi psalmodiques et l'apaisement final. Le plateau de solistes, perdu entre les vociférations de Stephen Salters et la technique fébrile de Michaela Kaune, surnage grâce aux belles interventions de Patricia Bardon. On saluera en revanche l'éloquence du Choeur de l'Orchestre de Paris, qui ne perd jamais pied dans le Fac me tecum a cappella.
Après la pause, retour à Vienne pour un nouveau Mahler. Après une 3e symphonie dont les seules réserves étaient d'ordre technique, Eschenbach s'attaque à la « petite » 4e. Et ce soir, dès le premier énoncé thématique et le premier ritardando, l'agogique du chef allemand empreint un malaise, dû à un manque de fluidité, de logique structurelle, ici perdue dans une lecture séquentielle manquant par-dessus tout de naturel dans l'enchaînement des tempi et des différents épisodes.
Eschenbach sait faire briller son orchestre, lui donner la bonne couleur – éclat des tutti avec trompette solo – mais le discours est trop heurté et décousu pour convaincre. De même, la balance manque parfois d'équilibre – cors envahissants dans la thématique des cordes – et la polyphonie de clarté – contrepoint confus dans le développement. Le deuxième mouvement, hormis le passage en souvenir d'enfance avec harpe, clarinettes et cordes, au rubato savant et très à propos, ne fonctionne pas mieux, avec son tempo élastique et son crincrin caricatural et arythmique.
Non dénué de réserves, le mouvement lent reste le moment le moins décevant de cette 4e. D'un beau lyrisme – le chant des violoncelles, des seconds violons, du hautbois, phrasé avec intelligence – d'une charge émotionnelle prégnante – cette manière de faire naître le son de rien à partir de la douceur extrême d'un tapis de cordes – ce Ruhevoll perd sa quiétude en raison d'une agogique inadéquate. L'efficacité d'un rubato tient autant dans la manière de dérober du temps que de le restituer. Or, Eschenbach dérobe sans jamais restituer, et finit par s'enliser et nous asphyxier. En outre, c'est dans l'extrême régularité d'une battue et dans le respect absolu des virgules de fin de mesure scrupuleusement indiquées par le compositeur que se dégage au mieux l'immense nostalgie de ce mouvement lent – qu'on écoute Haitink ou Boulez ! Chez Eschenbach, le sentiment suscité ne revêt jamais caractère d'évidence.
Une battue élastique – mais sans génial tangage à la Bernstein – et des rapports de tempo étranges – un bloc central trop uniformément retenu, entouré par une entrée en matière et une coda presque trop allantes – brisent en partie l'architecture de l'ensemble. Même le climax, d'ordinaire étourdissant, manque curieusement d'éclat, grevé d'avance par une levée de cordes rythmiquement incertaine. Curieux échec que ne pouvait laisser présager en janvier dernier un Langsam de 3e symphonie à tomber à la renverse.
Quant au Finale, saboté par une Michaela Kaune insupportable de maniérismes, il fait lui aussi les frais d'un constant manque de simplicité, éparpillé dans la sophistication de mille tempi différents, d'épisodes collés les uns au bout des autres sans logique interne et sans véritable « sehr zart und geheimnisvoll bis zum Schluß ».
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Théâtre Mogador, Paris Le 24/03/2004 Yannick MILLON |
| 4e symphonie de Mahler par l'Orchestre de Paris sous la direction de Christoph Eschenbach au Théâtre Mogador, Paris. | Karol Szymanowski (1882-1937)
Stabat Mater, op. 53 (1929)
Michaela Kaune, soprano
Patricia Bardon, contralto
Stephen Salters, baryton
Choeur de l'Orchestre de Paris
direction : Didier Bouture et Geoffroy Jourdain
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n°4 en sol majeur
Michaela Kaune, soprano
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
direction : Christoph Eschenbach | |
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