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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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RĂ©cital Beethoven de Stephen Kovacevich Ă la salle Gaveau, Paris.
Beethoven sans fard
Une salle Gaveau comble était venue ovationner le rare pianiste américain Stephen Kovacevich pour un inoubliable récital Beethoven dont la fidélité au texte et aux intentions du compositeur ont permis à un public heureux de percevoir en ligne directe le magnétisme du maître de Bonn, sans fard ni déviance.
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Tranquillement assis, Stephen Kovacevich attend le silence et l'obtient vite, puis les premières notes de l'Opus 109 coulent comme l'eau d'une source. La sonate en question suit un parcours sinueux, se transforme parfois en torrents et jubile de cette liberté que lui accorde l'interprète en un respect absolu de la partition. Ce que Beethoven a écrit, et rien d'autre. Mais l'on sait bien qu'entre lire une partition, l'assimiler et enfin la restituer – règle de la musique savante occidentale – certains dérapages peuvent dénaturer la matrice.
Le geste est le vecteur de la pensée. Celui de Kovacevich jaillit des contrastes exigés par les grandes sonates beethovéniennes. Angoisse et sérénité se côtoient et s'opposent à la fois dans une superposition des accents mélodiques et rythmiques que si peu d'interprètes osent aujourd'hui. Et pourtant, ce n'est plus la technique qui est en cause, c'est même l'inverse souvent quand l'oeuvre est le « faire valoir » de celle-ci, et on n'admire plus alors les oeuvres, mais les prouesses physiques et techniques des musiciens
Kovacevich, lui, nous fait oublier qu'il est là , devant ce bel instrument – au passage un grand merci aux organisateurs d'avoir enfin mis à disposition un piano digne de ce nom ! A la manière du musicologue Schenker, l'Urlinie – disons le « fil conducteur » – de chaque sonate sonne comme un morceau de vie partagé. Immense artiste, Kovacevich ose même parfois la prière, comme dans l'Adagio de l'Opus 110. Et dans le Finale, alors que la mort se dessine, le retour triomphal à la vie bondit d'entre les lignes contrapuntiques de la fugue.
Après l'entracte et avant l'Opus 111, le pianiste nous offre une mise en bouche en forme de Bagatelle. Comment lui donner tort alors qu'aucun bis aurait été supportable après l'audition de cette merveille souvent qualifiée de testament beethovénien ? Il enchaîne d'ailleurs quasiment ces deux oeuvres tellement paradoxales dans leur titre et leur forme. Dans la dernière sonate du grand Beethov, un tempo vif, décidé, laisse chaque note s'imposer avec évidence. Rares sont les pianistes qui osent l'humour dans cette sonate souvent traitée comme l'un des derniers opus d'un vieillard respectable mais considéré, en raison d'une surdité totale, comme sénile. Ici, sous les doigts d'un grand maître du piano, au delà de la souffrance exprimée, la musique de l'auteur de Fidelio sonne comme l'évidente force qui donne le courage et l'espoir. Et dans les variations, Kovacevich côtoie les anges dans une des plus belles pages de la littérature pianistique.
Un récital tout entier au service du maître de Bonn, d'une probité et d'un respect absolu du texte qui donnent l'impression d'entendre du vrai Beethoven, sans le moindre fard ni miroir déformant.
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Salle Gaveau, Paris Le 30/03/2004 Eugénie ALECIAN |
| RĂ©cital Beethoven de Stephen Kovacevich Ă la salle Gaveau, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano n° 30 en mi majeur op. 109 (1820)
Sonate pour piano n° 31 en lab majeur op. 110 (1821)
Sonate pour piano n° 32 en ut mineur op. 111 (1821-1822)
Stephen Kovacevich, piano | |
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