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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de José Van Dam accompagné par Maciej Pikulski à l'auditorium du musée d'Orsay, Paris.
La légende Van Dam
Interprète privilégié du grand répertoire lyrique comme de la mélodie française, José van Dam est entré dans la légende, et fait partie de ces stars connues même du grand public. Ce soir, au musée d'Orsay, le baryton belge, à l'évidence fatigué, aura eu dans un premier temps bien du mal à entretenir sa légende.
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Sur le principe, on peut désapprouver le choix de donner le cycle juvénile des Dichterliebe avec la voix sombre et virile de Van Dam, d'autant que, dans la pratique, il alterne les transpositions de l'original pour voix aiguë sans préserver les rapports de tonalités du cycle. Si les voix graves ont réussi à s'approprier le Winterreise de Schubert, pourtant écrit à l'origine pour ténor, on peut s'interroger sur l'opportunité d'aborder un répertoire d'amours adolescentes, de sensibilité à fleur de peau, à moins d'avoir la jeunesse absolue de timbre d'un Fischer-Dieskau, ou une émission légère et lumineuse.
Or, il faut bien reconnaître que Van Dam n'a ni l'une ni l'autre. Les immenses qualités de la voix du baryton-basse sont tout autres, et la soirée montrera autant les limites d'une demi-teinte devenue difficile que les splendeurs d'une pleine voix intacte. Si l'allemand est honorable, si certaines intentions sont belles – Hör ich das Liedchen klingen et Am leuchtenden Sommermorgen –, on reste sceptique devant la conception d'ensemble du cycle. Le ton est très neutre, le premier degré domine – Das ist ein Flöten und Geigen, Ein Jüngling liebt ein Mädchen – et l'ensemble reste peu évocateur. Les enchaînements n'aident pas le climat à s'installer, car tous les Lieder se succèdent avec des pauses de même longueur et sans densité, jamais habitées par les interprètes.
De surcroît, Pikulski semble ignorer délibérément toute nuance au-delà du mezzo forte et aplanit la dynamique en une mare d'eau tiède. Son beau toucher ne rachète pas un apparent manque de travail des deux musiciens, et les départs approximatifs et autres manques de communication manifestes – Ich hab' im Traum geweinet – empêchent toute évasion et maintiennent le spectateur dans la crainte d'un vrai plantage. Car ce soir, la fragilité de la demi-teinte donne l'impression que Van Dam est aux prises avec un certain nombre de difficultés techniques. Souffre-t-il encore de ce qui lui a fait annuler un récital l'avant-veille, ou sont-ce là les premiers signes d'un déclin vocal tout naturel à son âge ?
Après la pause, le répertoire de prédilection du baryton belge, la mélodie française, réserve quelques merveilles, notamment le Colloque sentimental et l'Invitation au voyage, ainsi que les chansons de Don Quichotte à Dulcinée qui ferment la soirée, occasion d'une belle démonstration de panache – Chanson à boire – et de ferveur intérieure – Chanson épique. Des trous de mémoire rappellent s'il le fallait que la sérénité n'est pas le maître mot de la soirée. Heureusement, la présence est là , comme les ressources de la voix dans les accès de lyrisme, le texte aussi, dans un art de la déclamation exemplaire, qui saisit la substance de chaque syllabe et en traduit toujours le sens exact.
La diction est toujours intelligible, et l'on sent Van Dam plus à l'aise avec cette littérature, plus varié, interprète idéal des longues lignes de Duparc dans l'épanouissement de son magnifique legato, de la poésie mouvante de Verlaine/Debussy dans les contrastes de son timbre, de l'hispanisme de Ravel dans les couleurs chaudes du haut-médium et d'un aigu encore prodigieux. Pikulski semble quant à lui moins inspiré qu'au disque, plus imprécis – les guirlandes ininterrompues de Chanson triste.
Un beau Mandoline de Fauré en bis, et le public ressort convaincu, sinon conquis. Le baryton légendaire n'est peut-être plus tout à fait à la mesure de sa légende, mais quels beaux restes que cette voix puissante, colorée, ombrageuse et projetée à la perfection, et quel sens de l'éloquence et du lyrisme ! Du reste, que la voix ait moins perdu en trente ans de carrière qu'en cinq ou dix ans chez tant d'autres chanteurs, c'est peut-être aussi cela, la légende.
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Musée d'Orsay, Paris Le 08/04/2004 Yannick MILLON |
| Récital de José Van Dam accompagné par Maciej Pikulski à l'auditorium du musée d'Orsay, Paris. | Robert Schumann (1810-1856)
Dichterliebe op. 48 (Les amours du poète)(1840) [Heinrich Heine]
Claude Debussy (1862-1918)
Trois mélodies de Paul Verlaine (1891) :
La Mer est plus belle que les cathédrales
Le Son du cor s'afflige
L'Echelonnement des haies
Fêtes galantes, second recueil, sur des poèmes de Paul Verlaine (1904) :
Les Ingénus
Le Faune
Colloque sentimental
Henri Duparc (1848-1933)
L'invitation au voyage (1871) [Baudelaire]
Extase (1884) [Lahor]
Le Manoir de Rosemonde (1882) [Bonnières]
Chanson triste (1969) [Lahor]
Maurice Ravel (1875-1937)
Don Quichotte à Dulcinée, sur des textes de Paul Morand (1933) :
Chanson romanesque
Chanson Ă©pique
Chanson Ă boire
José van Dam, baryton-basse
Maciej Pikulski, piano | |
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